Il est indispensable de libérer la recherche sur les effets des rayonnements sur la santé du conflit d'intérêts, actuellement imposé par le lobby nucléaire.
La Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Chapitre II, article 2, prévoit que l'OMS “agit en tant qu'autorité directrice et coordonnatrice, dans le domaine de la santé, des travaux ayant un caractère international… aide à former, parmi les peuples, une opinion éclairée en ce qui concerne la santé” pour “amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible” (Chapitre I, Article 1).
Dans le domaine des effets des rayonnements sur la santé, cet objectif est gravement menacé par l'accord (RES WHA 12-40), signé en 1959 entre l'OMS et l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA), dont l'objectif principal est : “d'accélérer et de développer la contribution de l'énergie atomique pour la paix, la santé et la prospérité dans le monde”.
Entre autres limitations, particulièrement la confidentialité qui ne devrait pas s'appliquer aux effets des rayonnements sur la santé (Article 1 paragraphe 3), l'accord stipule que : “Chaque fois qu'une des parties se propose d'entreprendre un programme ou une activité dans un domaine qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l'autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d'un commun accord”. Cette phrase devrait simplement se terminer par : “informera l'autre”.
Depuis des années, des Organisations Non Gouvernementales (ONG) demandent un amendement de cet accord. La Suisse, soutenue par la Norvège et le Canada, ont placé cette demande sur l'Agenda de l'Assemblée Mondiale de la Santé en mai 2001.
15 ans après Tchernobyl, il est nécessaire de mesurer, sur le terrain, les doses de CS137 et d'autres radionucléides effectivement incorporées avec la nourriture, et de voir comment ceux-ci se concentrent dans le corps. Il faut enregistrer les conséquences réelles des rayonnements sur la santé.
Comme l'a montré Bandazhevsky, aucun système ni organe n'est libre de Cs137, cela signifie qu'il faut étudier les atteintes des systèmes nerveux, digestifs, immunologiques, hormonaux, reproductifs, excrétoire, cardiovasculaire, en relation avec les concentrations de Cs137 et publier les résultats obtenus.
Ceci changera nécessairement le modèle de risque dominant (modèle de Hiroshima) qui n'est pas pertinent pour Tchernobyl, ainsi que les normes internationales de radioprotection. Le 26 avril 2001, le Parlement Européen a adopté une résolution sur Tchernobyl, “appelant les organisations internationales à réexaminer le modèle de risque”.
Il faut fournir une nourriture et un environnement propre aux populations, en priorité aux enfants, leur donner des additifs alimentaires adsorbants pour réduire la concentration de Cs137 dans leur organisme.
Il est aussi nécessaire d'étudier le rôle joué par le Strontium 90, par exemple en recueillant les dents de lait des enfants et en mesurant leur contenu en Sr90. Etant donné que 500.000 enfants vivent encore dans des zones contaminées, cela représenterait des millions de dents de lait pour une base de données de premier plan.
Les calculs théoriques sur la base de reconstructions de doses incorrectes et de modèles de risques (cohortes de Hiroshima) inadéquats, ne sont plus acceptables.
Le 15 décembre 2001, deux organismes de santé publique français, l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) et l'Institut de Veille Sanitaire (IVS), ont calculé sur la base des doses reconstruites et du modèle de risque actuel, qu'on pouvait attendre 65 cas de cancers de la thyroïde en excès d'ici 2016. Ceci est inacceptable.
Les centaines de malades de la thyroïde veulent montrer combien ces procédures d'évaluation dominantes sont inadéquates pour évaluer l'ampleur réelle des effets de la catastrophe de Tchernobyl. 15 ans après Tchernobyl, il est temps de se baser sur les observations et les mesures directes, et non plus sur des calculs et extrapolations théoriques.
L'époque où la Sainte Inquisition persécutait Galilée pour ses découvertes scientifiques est révolue. La vérité sur les conséquences de Tchernobyl sur la santé ne peut plus être dissimulée, comme cela était possible à la Renaissance pour la révolution de la Terre autour du Soleil. La science ne doit plus être muselée par les intérêts commerciaux des promoteurs de l'électricité nucléaire. En tant que citoyens du XXIe siècle, il en va de notre responsabilité.
A l'égard des victimes de la catastrophe, nous devons empêcher tout nouveau Tchernobyl.
Comme l'a déclaré en 1956 un groupe de généticiens de premier plan (Müller -Prix Nobel de génétique, Sievert, Lejeune, etc.) réunis en groupe de travail de l'OMS à Genève : “Le patrimoine héréditaire est le bien le plus précieux dont l'être humain soit le dépositaire, puisqu'il engage la vie de la descendance, le développement sain et harmonieux des générations à venir… Le Groupe est d'avis que de nouvelles mutations survenant chez l'homme seront nuisibles aux individus et à leurs descendants…. Aussi doit-on, en principe, considérer que toutes les radiations produites par l'homme sont nuisibles à l'être humain du point de vue génétique ”.
Les sources artificielles de rayonnements doivent être isolées, et tout le cycle du nucléaire, y compris les centrales nucléaires, doit être arrêté si la vie doit survivre sur terre.
Comité Scientifique des Nations-Unies pour les Effets des Rayonnements atomiques (UNSCEAR ), “2000 Report to the General Assembly, Annex J, Exposures and Effects of the Chernobyl Accident”, UN New York 2000.
Office des Nations-Unies pour la coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) : “Chernobyl, an ongoing catastrophe, UN, New York and Geneva, 2000.
Jean-Michel Jacquemin : ” TCHERNOBYL : Aujourd'hui les Français malades ! “, Editions du Rocher, June 2001
Tribunal Permanent des Peuples : Tchernobyl, Implications pour l'Environnement, la santé et les Droits des Personnes, Vienne, 12 - 15 avril 1996, ISBN 3-00-001534-00000000.
Viel, J.F. : “La santé publique atomisée. Radioactivité et leucémies, les leçons de la Hague”, Ed. La Découverte, 1998.
Bandazhevsky Y.I.: 1. Incorporated Cs137 and pathology of the thyroid gland, 2. Radiocesium and congenital malformations, 3. Incorporated caesium and cardiovascular pathology (with Bandazhevskaya G.), 4. Cs137 measures and public health, (with Nesterenko V.B.), 5. Medical and biological effects of incorporated Cs137 in radioresistant human tissues, (with Nesterenko V.B and Ridal E.A).
Parlement Européen : Resolution sur Tchernobyl, 26 avril 2001. 9. OMS : Effets Génétiques des Rayonnements. Rapports d'un Groupe de travail, OMS Genève, 183 pages, 1957
Le 18 juin 2001, Bandazhevsky a été condamné par un tribunal militaire à 8 ans de travaux forcés (Goulag) avec interdiction de lire et d'écrire, et 3 visites par an de sa femme, plus 5 années supplémentaires d'interdiction de travail et publications scientifiques ; Sa santé est gravement atteinte (saignements digestifs, maladie cardiaque). Le 20 juin, le Vice-Directeur de l'Institut indépendant de Radiamétrie, Belrad a été trouvé devant sa porte dans le coma, baignant dans son sang avec une tension très basse. Les médecins ont déclaré qu'il s'agissait d'une attaque ” professionnelle “, avec coups de poing américains. Ses jours ne sont heureusement plus en danger, on craint qu'il ne lui reste des séquelles irréversibles (oeil).