Quand le Lobby nucléaire s'en prend à ses victimes


par Solange et Michel Fernex - le 19 fév. 2002

Préalable : Lettre de MUTADIS à Annie Sugier (directrice déléguée IPSN)

Transmise à Solange Fernex par MUTADIS

Jeu 14 juin 2001 18:13
De: GHD MUTADIS
Société: MUTADIS
À : Solange Fernex,/a> Jacques Lochard
Date: mercredi 6 juin 200111:28
Objet: Ethos, santé
Pour Michel Fernex, comme suite à notre conversation téléphonique, copie du courrier adressé ce jour à Madame Sugier de l'IPSN
Cordialement Gilles Hériard Dubreuil

Lire cette lettre

Introduction : les "mensonges clé"


    Solange et Michel Fernex

Des travaux scientifique qui débouchent sciemment sur des conclusions fausses dans le domaine de la santé, ont été qualifiés par des auteurs anglo-saxons de “key lies”, ou mensonges clés. Ce genre de travaux ont permis au lobby du tabac qui finançait généreusement de telles études, à résister pendant des décennies aux tentatives des autorités et surtout de l'OMS à lutter contre le tabagisme.

Des évènements, vécus en 2001, permettent de saisir la démarche d'un autre lobby, celui du nucléaire, bien plus puissant que celui du tabac, qui tient à effacer des mémoire les empreintes de Tchernobyl. Pour réaliser des publications qui mettraient l'industrie atomique à l'abri d'interventions de l'état ou des services de santé (comme la FDA aux USA), ce lobby doit parvenir à faire l'impasse sur les problèmes de santé.

Le lobby du nucléaire cherche, en particulier, à établir des directives en vue du prochain “accident nucléaire” qui serait inéluctable selon les experts. En cas d'accident, la priorité devrait être la réduction des dépenses. Ceci implique de considérer comme intangible, le dogme de la non-nocivité des faibles doses de rayonnements ionisants.

Quelques exemples vécus en Bélarus depuis 2001, illustrent les menées du lobby vers ce but. Il peut se présenter sous forme d'ONG (organisation non-gouvernementale) et intervenir sur le terrain par l'intermédiaire de groupes multidisciplinaires d'universitaires (projet ETHOS, Carrefour Tchernobyl)

Les enseignants et doctorants en agronomie, sociologie, technique, en physique, regroupés dans le Projet ETHOS, ont travaillé en zone contaminée. Le rôle que leur impose le lobby, et dont ils ne sont probablement pas conscients, c'est l'élimination des structures existantes de radioprotection des populations. En effet, les mesures attirant l'attention sur la gravité de la contamination radioactive du pays et sur son impact sur la santé des populations sont inacceptables pour le lobby nucléaire.

Déformer la réalité de Tchernobyl ou le mensonge par omission.

Les études réalisées par ETHOS se limitent à quelques villages du district de Stolyn. Les données obtenues permettront d'écrire un ouvrage sur la gestion des accidents atomiques et celle des régions contaminées par des radionucléides de longue durée de vie. Ce livre sera d'autant plus prestigieux, qu'il pourrait être financé par l'Union Européenne.

Dans une telle publication, le lecteur ne sera pas distrait par la détérioration de la santé des enfants, ni par la mortalité précoce, qui explique l'effondrement démographique d'autant plus important, que la région a subi de plus fortes retombées radioactives.

Deux manifestations nous ont permis de faire la connaissance de membres du club ETHOS, l'une à l'université de Paris VII, le 26 avril 2001 (commémoration de Tchernobyl), et l'autre les 15-16.11.2001, à Stolyn au sud-ouest du Belarus, où des universitaires recrutés par le CEPN, présentaient leurs résultats aux administrations et représentants du gouvernement, ainsi qu'à des personnalités représentant des Organisations internationales mais aussi des nations, en particulier l'Union Européenne.

Le 26 avril 2001 à Paris VII, le dossier de presse présentait le CEPN ou Centre d'Etude sur l'Evaluation de la Protection dans le Domaine Nucléaire, une ONG à but non lucratif (loi 1901), fondée par Electricité de France (EDF), le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), auquel s'est joint la COGEMA (AREVA) qui gère la Hague. Cet organe du lobby atomique, coordonne des groupes de recherche intervenant dans les régions contaminées par Tchernobyl, en particulier le groupe ETHOS.

L'un des fondateurs d'ETHOS, évoquant les interventions des équipes sur le terrain, regrettait l'absence de suivi dans les régions où ces équipes multidisciplinaires étaient intervenues. Il déplorait aussi la faiblesse inexplicable de la composante médicale dans ces programmes.

"Aider" à mettre fin au travail des équipes de radioprotection

Intervenant dans le district de Stolyn, dans le cadre d'un projet prévu pour s'achever en 2001, les responsables d'ETHOS ont demandé au ministre biélorusse des problèmes de Tchernobyl, de se substituer, dans des villages du district de Stolyn, à l'institut indépendant de radioprotection BELRAD, dirigé par le Professeur V.B. Nesterenko, dont ils utilisaient les données de mesures, depuis quelques années.

La lettre du ministère, signée par Valéry Shevchouk le 25.01.2001, communiquait en conséquence au directeur de BELRAD, que la gestion d'une série de villages du district de Stolyn lui était enlevée au profit de ETHOS-2, “conformément à la demande de ces derniers”.

ETHOS, qui avait utilisé le personnel formé et équipé par BELRAD pour les mesures de radioactivité des aliments, du lait etc, n'a pas estimé nécessaire d'indemniser les techniciennes pour le surplus de travail occasionné.

Les ordinateurs, dont ETHOS avait doté les centres de radioprotection, pour récupérer les résultats des mesures, sont transmis actuellement à une administration de l'état. Ainsi les structures mises en place par Nesterenko disparaissent progressivement. Le contraire absolu d'une aide technique pour le développement.

En effet, depuis plusieurs années, grâce à ces petites unités de radioprotection, subventionnés par l'état ou par des fondations privées, BELRAD offrait aux habitants la possibilité de mesurer gratuitement la radioactivité des aliments et du lait. Le personnel, formé par BELRAD, conseillait les familles en matière de radioprotection.

En outre, les laboratoires mobiles de BELRAD, équipés d'anthropo-gammamètres, mesuraient deux fois par an la charge en radionucléides artificiels, principalement le césium (Cs137), accumulée chez les enfants des écoles. Ceux d'entre eux qui étaient fortement contaminés, recevaient des cures intermittentes de pectine, additif alimentaire à base de pommes, qui accélère l'élimination du césium de l'organisme.

Dès la création, en 1991, des 370 Centres locaux de protection radiologique (CLCR), financés par le gouvernement et gérés par BELRAD dans les villes et villages les plus contaminés du Belarus, les ministères compétents ont reçu régulièrement les comptes rendus des mesures, publiés par le Prof. Nesterenko. A partir de 1996, ces rapports ont pris la forme de bulletins trimestriels.

Mais à partir de la même année, le Vice-Président du Comité gouvernemental pour Tchernobyl, I.V.Rolevitch, co-auteur de diverses publications du CEPN, a réduit le nombre des CLCR aux 83 existant actuellement, dont 56 sont financés par le gouvernement. Les 27 autres sont soutenus par des ONG allemandes. Le Bulletin N°21 des mesures de Belrad est sous presse. Ce sera le dernier, car le financement annuel de 6000 $ d'une Fondation américaine, qui en permettait la publication, est suspendu.

Le contraire de l'aide au développement

Quand on tente d'aider un pays pauvre, une des règles veut qu'on ne se substitue pas, même transitoirement, aux structures existantes, mais qu'on les renforce. Ainsi, après le départ des équipes étrangères, il reste sur place un personnel motivé, bien formé et mieux équipé pour le suivi nécessaire.

A Paris VII, puis par téléphone dans les jours qui ont suivi, les responsables d'ETHOS m'ont affirmé que leur intention n'avait pas été d'éliminer les équipes de Nesterenko, et qu'à l'avenir, BELRAD serait intégré dans le futur projet européen (ETHOS 3), qu'on planifiait déjà. En outre, Nesterenko serait invité à participer au Séminaire International de Stolyn, où serait présenté le bilan du programme ETHOS 2.

A cette époque, l'engagement pris par les responsables d'ETHOS, d'inclure Nesterenko dans le projet ETHOS 3 paraissait sincère. Il semblait même utile aux universitaires français d'intégrer dans leur projet une ONG du Bélarus, pour faciliter l'obtention d'un financement important de l'Union Européenne pour un projet qui devait être déposé le 26 janvier 2002. Nesterenko allait être officiellement informé de la part qui serait réservée à son institut dans ce projet. Encouragé par ces engagements oraux, Nesterenko a soumis un projet concret d'aide aux enfants des villages fortement contaminés par les retombées radioactives.

Cependant, à l'automne, le nom du Professeur Nesterenko ne figurait pas comme promis dans le pré-programme du séminaire de Stolyn de novembre 2001. Après mon intervention auprès d'ETHOS, cet “oubli” a été réparé, mais Nesterenko n“a pas été invité à une réunion de suivi du séminaire, le 20 novembre à Minsk, ni à une prochaine réunion, le 6 mars 2002, toujours à Minsk.

Eliminer BELRAD du terrain ?

Le 13 janvier 2002, quelques jours avant la date de dépôt du projet européen annoncé en 2001 (26 janvier 2002), Nesterenko recevait un courrier d'ETHOS lui demandant de répondre d'ici 5 jours, avant le 18 Janvier. Il ne s'agissait nullement de l'inclusion des équipes de radiamétrie mobiles de Belrad dans un programme européen, mais d'une participation rétribuée à la radioprotection. Pas un mot sur le projet d'aide à la radioprotection des enfants du Sud du Bélarus, dont il devait être question, ni sur le protocole qu'avait soumis à cet effet le Prof. Nesterenko à ETHOS. Malgré sa déception, Nesterenko a répondu positivement et dans les temps à cette demande.

Le 25 janvier 2002, le bureau MUTADIS, travaillant pour ETHOS, écrivait une lettre signée Vincent Wallaert concernant les projets à venir, et convoquait les destinataires à une réunion du Club ETHOS à Paris, le 11 avril. Le Prof. Nesterenko n'était, une fois de plus, pas destinataire de ce courrier, qui pourtant évoquait le Séminaire de 2001 à Stolyn. Comme je m'en suis étonné, il m'a été répondu que Nesterenko allait aussi être invité à la réunion du 11 avril à Paris, et il semble que cela ait été fait par la suite.

L'acharnement du lobby de l'atome

Il semble ici que le CEPN, représentant d'EDF, du CEA et d'AREVA, s'associe à la logique constante du lobby nucléaire international, qui veut à tout prix effacer des mémoires le souvenir de Tchernobyl. Les mesures quotidiennes de la contamination des aliments, et les mesures deux fois l'an de la charge corporelle en radiocésium chez les enfants, représentent un rappel intolérable de cette ctastrophe. Année après année, le Prof. Nesterenko publie ses données et les remet au gouvernement ; force est de constater que la situation radiologique pour les denrées alimentaires et pour la population, en particulier les enfants, loin de s'améliorer s'aggrave.

L'augmentation de la contamination en Cs137 des denrées alimentaires s'explique par le fait que l'agriculture utilise moins d'engrais, en particulier moins de potasse, qui réduit le prélèvement de césium par les végétaux. En outre on exploite davantage de terres agricoles fortement contaminées. Comme les produits alimentaires circulent dans tout le pays, la charge en radionucléides artificiels augmente dans l'ensemble de la population. Nesterenko signale que même chez les enfants de la capitale, Minsk, on mesure maintenant des valeurs de plus de 50 Bq de Cs137/kg de poids corporel, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans.

Les promoteurs du nucléaire qui occultent cette réalité doivent “casser le thermomètre”, non pas pour guérir la fièvre, mais pour que personne ne sache ce qu'il en est. Fièvre, ou radioactivité accumulée dans les organes des enfants, il n'est plus permis de la mesurer, Nesterenko doit cesser ses activités.

Ignorer l'effet radiotoxique du Cs137 sur la santé

Pendant 9 ans, le Prof. Yu.I. Bandazhevsky et les collaborateurs de l'Institut médical de Gomel ont étudié la radiotoxicité du Cs137, et montré que le césium se concentre fortement dans certains organes comme les glandes endocrines et le coeur, jusqu'à 50 fois plus que dans d'autres tissus. Dans les zones contaminées à raison de plus de 5 Ci de Cs137/km2, l'impact négatif sur la santé affecte la presque totalité des enfants.

Ses travaux sur les affections liées à l'accumulation du radiocésium ont valu au Prof. Bandazhevsky, suite à une dénonciation pour corruption retirée par la suite, huit années de Goulag (Amnesty parle de “Silencing academia”). Des médecins, anciens collaborateurs de la jeune Faculté de médecine créée par Bandazhevsky, ont perdu leurs fonctions. Ils n'auraient pas dû co-signer ces publications.

Au séminaire de Stolyn, ETHOS avait distribué des tableaux multicolores reliés et sur papier glacé et préparé des projections informatisées, commandées à distance, pour presque toutes les présentations. A la page 57, les doses corporelles ont été calculées sur la base de l'hypothèse contestée d'une distribution homogène du Cs137 dans l'organisme.

En revanche, les graphiques manuscrits, qu'une pédiatre tenait à la main pour les commenter, n'ont pu être projetés, car contrairement aux autres rapports, ils n'étaient pas informatisés. Ils montraient que le nombre des hospitalisations avait augmenté, passant d'environ 150 par an pour 1000 enfants en 1986 et 1987, à 500/1000 en 1990, pour dépasser 1200 hospitalisations/1000 enfants en 2000. La ligne ascendante n'a aucune tendance à s'infléchir.

Le nombre des infections sévères et chroniques augmente et le pourcentage des enfants à peu près en bonne santé est tombé de plus de 80% à moins de 20%. Et pourtant ces enfants ne sont pas stressés, leurs familles n'ont pas été déplacées, ils sont relativement bien alimentés : 50% du budget de l'éducation va à la fourniture de repas équilibrés 2 à 3 fois par jour, 4 à 5 jours par semaine, dans toutes les écoles depuis la maternelle, pendant la scolarité.

Il semble donc que la santé des enfants continue à se détériorer. La cause de cette dégradation, est en rapports avec la contamination radioactive de l'environnement. Les enfants ne semblent pas pouvoir vivre correctement, voire survivre, dans des régions contaminées par 5 à 15 Curies de césium par km2.

Ni le rapport médical ni les graphiques commentés par la pédiatre responsable ne figuraient dans la brochure du bilan d'ETHOS-2. Peut-être n'étaient-ils pas politiquement correct ?

Dans l'intervention des experts français, on est très surpris du peu d'attention porté au strontium, pourtant présent dans les sols et dans l'eau, donc dans la chaîne alimentaire. Le Sr90 a, comme le Cs137, une demi-vie ou période physique d'environ 30 ans. Il serait essentiel d'étudier la synergie dans la radiotoxicité du strontium et du césium. (Sujet qui a été étudié un temps à l'Institut de Gomel). Personne parmi les experts d'ETHOS n'a évoqué les autres radionucléides disséminés par Tchernobyl.

La prise en charge par les universitaires français d'ETHOS d'un nombre limité de fermes, a permis d'améliorer la production agricole, grâce aux semences de qualité fournies, aux engrais parfaitement dosés et aux pesticides mis à disposition au moment nécessaire. Ainsi la production des pommes de terre a été plus abondante; ce produit étant suffisamment pauvre en césium, il a même pu être vendu. Il faudrait dès 2002 que les investissements pour l'agriculture s'étendent non plus à une dizaine de familles, mais à l'ensemble des communautés concernées, où vivent des centaines de milliers d'enfants.

Malheureusement, il n'a pas pu être démontré que cela améliorait l'état de santé des populations, en particulier celui des enfants. Déjà à Paris VII, Monsieur Henry Ollagnon, responsable de l'agronomie à ETHOS me disait : “On a fait du bon boulot, mais les enfants sont de plus en plus malades ! ”. Dans ce sens, l'expérience d'ETHOS 2 constitue un échec.

Tant que le suivi des mesures de la charge corporelle en césium 137, ainsi que les courbes montrant la détérioration de l'état de santé des enfants, ne feront pas intégralement partie du rapport d'ETHOS, on pourra considérer cette présentation des résultats comme incomplète, entachée d'une omission fondamentale: l'absence des données essentielles sur la santé et l'absence de données sur la charge corporelle en radionucléides nous rapprocheraient du “mensonge par omission”, ou mensonge “clé” dont le lobby nucléaire a tant besoin.

Dans l'évaluation des conséquences de Tchernobyl, le “mensonges par omission” ressemble, en effet, aux “mensonges clé” dont le lobby du tabac a fait grand usage pendant des décennies, pour éviter que l'OMS ne lance sa campagne anti-tabac. Des documents amputés, établis avec la même motivation, (en priorité protéger le lobby), doivent permettre l'industrie atomique de continuer à désinformer tant les autorités que les citoyens.

Dans ce contexte, un article de Fabrice Nodé-Langlois, publié dans LE FIGARO du 12.02.2002, rappelle que l'Atlas du Césium en Europe, publié par le Centre de Recherches de l'Union Européenne à Ispra, Italie, reposant sur quelques 350.000 mesures, ne dispose que de 35 données fournies par la France. La médiocrité de la contribution française désolait Mr. De Cort, premier signataire de cet ouvrage. Selon le Figaro, “Annie Sugier, la représentante de l'IPSN, a déclaré que l'Atlas européen est “incomplet”, donc “faux”. “Cet “aveu” du mensonge a été le fait d'un responsable indépendant du ministère de la Santé ”, souligne Jean-François Lacronique, Président de l_OPRI (successeur du SCPRI du Professeur Pellerin), dans sa note à son ministre de tutelle, Bernard Kouchner. Il omet au passage de préciser que, poussé à son tour par l'assistance qui demandait si l'Etat avait menti, il a lui-même fini par lâcher : ” C'est un mensonge par omission…”

Jusqu'à fin 2001, j'espérais que les responsables d'ETHOS étaient de bonne foi. Je suis sûr que la grande majorité des universitaires du Club le sont. Cependant, lorsqu'il s'agit de réaliser une étude qui montrerait l'impact des radionucléides incorporés sur la santé, ou de soutenir les équipes de BELRAD dans les mesures de la charge corporelle en radiocésium des enfants, voire de publier des données sur la santé des enfants en fonction de la contamination radioactive de l'environnement, c'est le lobby, ici le CEPN qui garde le dernier mot.

Les universitaires repartis, les populations se retrouvent au point de départ, mais avec moins d'aide pour la radioprotection qu'avant l'intervention d'ETHOS : les centres ont perdu une partie de leur équipement, les ordinateurs où étaient consignés tous les résultats ne sont plus là, les techniciens sont démotivés, leur travail n'ayant pas été honoré.

Le CEPN offre-t-il un cadre satisfaisant à des universitaires attachés à la rigueur scientifique ?

Autres projets du lobby nucléaire au Bélarus

Grâce à des intermédiaires, dont le nom (“Carrefour Tchernobyl”) peut changer en fonction des besoins du moment, le lobby, aidé pendant l'hiver 2001-2002 d'experts du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), a tenté de convaincre l'administration et les représentants de certains ministères du Bélarus, qu'il fallait maintenant réhabiliter les régions encore plus proches de Tchernobyl, encore plus contaminées que le district de Stolyn. L'objectif est de montrer qu'il est possible de vivre, de travailler, de cultiver dans des territoires contaminés jusqu'à 40 Curies/km2, voire davantage, et que, suite à des conseils ou la fourniture de “ mallettes pédagogiques ”, ces territoires ne représentent aucun danger pour la santé des enfants.

Pendant ce temps, le Professeur Nesterenko, abusé sur le soutien de son travail de protection des populations, qui lui avait été promis, et pour lequel il avait formulé un protocole au printemps 2001, a peu de chances de recevoir une aide pour les 45 techniciens, radiamétriste, scientifiques, physiciens de l'institut de radioprotection indépendant BELRAD, renforcés par des spécialistes en cardiologie et en ophtalmologie. Le soutien du CEPN à un travail si utile pour les populations, consacré à l'amélioration de la santé des enfants obligés de vivre dans des régions hautement contaminées par les retombées de Tchernobyl, s'est avéré n'être qu'une utopie.

Si des spécialistes aux ordres du lobby nucléaire, publient d'ici peu que la situation radiologique des territoires contaminés par 5 à 40 Ci de Cs137/km2, voire davantage, permet la culture des pommes de terre, l'installation de travailleurs avec leurs familles, dans le but final d'occuper tous les espaces évacués, y compris bientôt celui des 30 km autour de la centrale, devenu réserve naturelle ouverte au tourisme, il est clair que leurs rapports doivent omettre tout ce qui concerne l'état catastrophique de la santé des enfants.

En conséquence, il faut écarter pédiatres, ophtalmologues, endocrinologues, immunologues et radiamétristes, correctement équipés, compétents et indépendants. L'absence des spécialistes de la santé débouchera sur un “mensonge clé”, reposant sur des “ mensonges par omission ”. Il s'agit là d'un document fondamental, dont le lobby atomique a tant besoin depuis 16 ans.

Face à un projet incluant une “omission” de cette envergure, les universitaires consultés, mais peut-être aussi les co-financeurs, devraient savoir dire “NON”.

Michel Fernex
Professeur honoraire
Faculté de Médecine de Bâle
Suisse