Effets sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl (commentaire) - R. I. Goncharova


Institut de Génétique et de Cytologie, Académie Nationale des Sciences
Akademichnaya St., 27, Minsk, 220072, RÉPUBLIQUE DU BELARUS
E-mail: R.Goncharova@igc.bas-net.by

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Rosa Goncharova

Diapositive 2 :

Je dédie ce rapport à la mémoire de Solange Fernex (1934-2006), éminente femme politique française, pacifiste militante, ancienne députée du Parlement européen, pour sa quête obstinée d’une information complète sur la santé et les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl dans tous les pays touchés, y compris en France, et d’un développement d'aide sanitaire auprès des populations affectées.

Le Dr Rosalie Bertell et Solange Fernex ont été les instigatrices de l'organisation du Tribunal Permanent des Peuples, lors de la Session 1996 sur Tchernobyl à Vienne. Solange Fernex a participé activement aux travaux de la Session sur Tchernobyl de ce Tribunal. Elle a finalement assuré l’édition du livre: Implications environnementales, sanitaires et des droits humains à Tchernobyl.

Solange Fernex a produit le rapport “Effets sanitaires de Tchernobyl: un dogme ou une quête de vérité?” à la 3ème Conférence Internationale organisée à Kiev en 2001 : “Effets sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl. Les résultats de 15 ans d’études de suivi”.

Diapositive 3 :

La catastrophe de Tchernobyl a entraîné le dépôt de radio-isotopes sur de très vastes régions de l'hémisphère nord, de l’Europe en particulier (Cf. : Atlas des Dépôts de Césium sur l'Europe après la Catastrophe de Tchernobyl, 1998), provoquant l'exposition chronique de plusieurs millions de personnes à une irradiation à la fois externe et interne. Voici la carte de la contamination radioactive de l'Europe après la catastrophe de Tchernobyl.

Diapositive 4 :

Toutefois, la République du Bélarus a été plus affectée que tout autre pays au monde par l'accident. Selon l'Atlas, c’est pratiquement la totalité du territoire du Bélarus qui a été contaminée à un niveau supérieur au niveau mondial par différents radio-isotopes. La densité du dépôt au sol égale à 37 kBq/m2 est acceptée comme valeur limite pour distinguer entre zones soi-disant “propres” et zones contaminées qui composent 23 % de la région. Ainsi, vingt- deux ans après le pire accident nucléaire du monde, la totalité de la population du Bélarus participe depuis des décennies malgré elle à une expérience sur la manière dont les faibles doses de radiations affectent la santé humaine. La parfaite compréhension de ce fait est d’une grande importance pour interpréter les effets enregistrés.

Depuis 1986, nous avons donc étudié les effets biologiques des faibles doses de radiations chroniques chez les populations naturelles d’un petit mammifère sauvage appelé campagnol roussâtre, chez la souris de laboratoire ; et nous avons procédé à l’évaluation des lointaines conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Voici, sur la carte du Bélarus, les sites d’observation. Ces sites, situés à différentes distances de la centrale nucléaire de Tchernobyl, présentent différents niveaux de contamination par les radio-isotopes:

  • La Réserve de Priluksky (près de Minsk, à 330 km au nord-ouest de la centrale de Tchernobyl, 8 kBq/m2);
  • La Réserve de la Biosphère Bérézinsky (région de Vitebsk, à 400 km au nord-nord-ouest, 18 kBq/m2);
  • Les environs du village de Babchin, zone d’exclusion (district de Khoiniki dans la région de Gomel, à 40 km au nord, 1530 kBq/m2). Actuellement Réserve de Radiation de Polessky.
  • Les environs du village de Radin, exclusion zone (district de Khoiniki dans la région de Gomel, à environ 18 km au nord, 8500 kBq/m2). Actuellement Réserve de Radiation de Polessky.

Diapositive 5 :

Des campagnols roussâtres ont été capturés sur 5 sites présentant différents dépôts de radionucléides au sol. Ces données sont reproduites sur cette diapositive. Les données concernant la contamination par le 137Cs, le 134Cs, le 106Ru, le 144Ce ont été enregistrées l'année de l'accident (1986). Les concentrations de 90Sr et des éléments transuraniens dans les échantillons du sol ont été mesurées en 1996. Il est nécessaire de noter qu'après le premier dommage subi l'année même de l'accident, chaque génération successive d'animaux à l’étude a été exposée à des débits de dose corporelle de rayonnements ionisants constamment dégressifs.

Le Forum Tchernobyl des Nations Unies placé sous l'égide de l'OMS a publié le volumineux rapport sur la santé et les conséquences environnementales de l'accident. Le rapport de l'OMS “Effets sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl et Programmes de soins spéciaux” (2006) a confirmé l’énorme augmentation du cancer de la thyroïde radio-induit parmi ceux qui ont été exposés à la radioactivité au cours de l'enfance et l’adolescence, et déclaré qu'il n’y a eu aucune augmentation significative à ce jour de l'incidence d'autres cancers et malformations congénitales qui puisse être attribuée à l’irradiation. Il est curieux de noter que, dans le Communiqué conjoint OMS/AIEA/PNUD “Tchernobyl, l'ampleur réelle de l'accident. Vingt ans plus tard, un rapport des Nations unies donne des réponses définitives et des moyens de réhabilitation de la vie”, l’estimation pronostiquée des morts à venir dus à la catastrophe de Tchernobyl est de beaucoup inférieure ; et le résumé en 50 pages du rapport sur les conséquences sanitaires des retombées de Tchernobyl.

Diapositive 6 :

La reconstitution des retombées de l'131Iode montre que tout le territoire de la République du Bélarus a été contaminé par cet isotope (Rapport national, 2006).

Sur cette diapositive, vous pouvez voir les doses collectives calculées concernant la thyroïde pour deux groupes d'âge, à savoir les enfants et adolescents d’une part et les adultes d’autre part au moment de l'accident, dans toutes les régions du Bélarus. Pour le moment, la société scientifique n’a accepté que l’augmentation significative de l’incidence du cancer de la thyroïde chez les enfants et les adolescents. L’augmentation du cancer de la thyroïde parmi la population adulte n'a été rapportée comme un fait scientifique prouvé dans aucune conférence scientifique officielle.

Diapositive 7 :

En ce qui concerne les doses corporelles absorbées, vous pouvez voir sur cette diapositive les données relatives à la dose efficace collective. Selon le Rapport national du Bélarus (2006, Tableau 3.11) jusqu'à 90% de la dose cumulative efficace collective a été atteinte dans la première décennie après l'accident. La dose collective annuelle pour la population résidant sur le territoire radio-contaminé est d'environ 21 personnes-Sv, et la dose individuelle moyenne de 0,15 mSv. Pour tous les groupes exposés, les estimations du nombre de cancers mortels peuvent provenir de doses collectives. Ces estimations dépendent du coefficient de risque assumé.

Diapositive 8 :

L'incidence du cancer de la thyroïde chez ceux qui étaient adultes au moment de l'irradiation aurait augmenté parmi les nombreuses populations exposées, y compris en Pologne (Mahoney, Ostapenko, 2004), bien que la relation à l'irradiation ne soit pas clairement établie. L’évolution de l’incidence du cancer de la thyroïde chez l'enfant et les populations adultes du Bélarus jusqu'en 2001 est représentée sur cette diapositive.

Selon le Rapport national du Bélarus, l’incidence du cancer de la thyroïde en 2006 reste en constante progression parmi la population adulte du Bélarus

La concentration de la recherche concernant l’importante augmentation chez ceux qui ont été irradiés pendant leur enfance signifie que le risque moindre pour les adultes n'a pas été suffisamment étudié.

Concernant les estimations de futurs cancers de la thyroïde pour le Belarus, il est nécessaire de noter qu’actuellement, les individus ayant été irradiés pendant leur enfance sont maintenant des adolescents ou de jeunes adultes, mais resteront toute leur vie exposés au risque accru de développer un carcinome de la thyroïde.

Pour pouvoir prédire, nous devons connaître les coefficients de risque obtenus à partir des études sur les populations affectées. Les valeurs projetées pour l’incidence à venir du cancer de la thyroïde diffèrent grandement, en fonction du calcul des valeurs du coefficient de risque. La dernière estimation pour l'année 2056 varie de 3 400 à 72 000, selon Cardis et coll., 2006 (Estimates of the cancer burden in Europe from radioactive fallout from the Chernobyl accident, Int J Cancer).

Selon les estimations de Malko, environ 31 400 autres cancers de la thyroïde (de 15 400 à 47 400) sont à prévoir pour le seul Bélarus. Pour la France, cette estimation est de 678 à 1 153 cas supplémentaires, pour l'Allemagne de 1479à2514,pourlaRoumanie de2239à3976.

Diapositive 9 : Taux d'incidence normalise

Il est très important d'évaluer l'incidence des autres cancers. J'ai déjà mentionné que l'augmentation d'autres tumeurs parmi la population et les liquidateurs est considérée comme non-établie.

Pour se faire une idée de l’impact de Tchernobyl sur la santé humaine, il est pertinent de réfléchir sur la compréhension qu’on avait en 1965 des effets sanitaires des radiations des bombes atomiques au Japon en 1945. Vingt ans après, les seules conséquences graves observées chez les survivants des bombes atomiques étaient les augmentations de la leucémie et du cancer de la thyroïde, et les perspectives d'avenir étaient plutôt rassurantes. Mais en 1974, une augmentation significative des cancers solides a été détectée parmi les survivants, avec une estimation de dose de 1Gy. Ils représentaient moins de 3% de la cohorte. À la fin de 1998, environ 48% des 120 321 personnes formant la totalité de la cohorte LSS (Life Span Study : étude sur la durée de vie) étaient encore en vie.

Les analyses de la mortalité due aux maladies cancéreuses chez les survivants de la bombe atomique au cours de la période 1950–1990 représentant plus de 40 ans de suivi, ont révélé des effets de la radioactivité statistiquement significatifs à partir de 0,2 Sv (200 mSv ou 20 rem) (Pierce et coll.,1996).

En 2000, Pierce et Preston ont évalué l’incidence des cancers solides pour la période 1958-1994 en se concentrant sur la sous-cohorte LSS d'environ 50 000 survivants qui présentaient une estimation de dose inférieure à 0,5 Gy, afin de clarifier les risques de cancer aux faibles doses. Ils ont conclu qu’il y avait une relation de dose-réponse statistiquement significative entre 0 et 0,15 Gy. Cette conclusion a été confirmée par la nouvelle publication Preston et coll., 2007 sur l’incidence des cancers solides chez les survivants de la bombe atomique, de 1958 à 1998. Les auteurs écrivent : “Il y a une dose-réponse statistiquement significative dès qu’on limite les analyses aux individus d’une cohorte présentant des doses égales ou inférieures à 0,15 Gy”.

Aujourd'hui, la leucémie et le cancer de la thyroïde ne forment qu’une faible part du détriment sanitaire reconnu comme étant lié à l’irradiation totale causée par les bombes atomiques. C'est pourquoi il est trop tôt pour évaluer l'impact global des retombées de Tchernobyl sur la santé humaine et les populations animales.

Selon le Prof. Alexeï Okéanov (2007), les données sur l'incidence des tumeurs malignes parmi différents groupes de la population biélorusse se répartissent comme suit :

  • parmi la population vivant sur les territoires avec des dépôts au sol de 37–555 kBq/m2, une augmentation du risque relatif de cancer du colon, du cancer du sein et de la thyroïde a été constatée ;
  • il y a augmentation statistiquement significative du cancer du sein chez les femmes, très marquée entre 20 et 40 ans ;
  • la population de ce territoire représente le plus nombreux des groupes suivis et comprend 1 245 individus

Diapositive 10 :

Vous pouvez voir les données de risque relatif de l’incidence des tumeurs malignes parmi la population vivant dans les régions présentant une densité de radio-contamination de 37 à 555 kBq/m2. La population de ce territoire forme le plus nombreux des groupes suivis et compte 1 245 personnes. Le risque relatif (RR) a été calculé avec le rapport de l’incidence standardisé (RIS) parmi différents groupes exposés à l'incidence du contrôle groupe (groupe non exposé). La région de Vitebsk a été retenue comme région de contrôle dans la mesure où sa population était beaucoup moins exposée aux retombées de Tchernobyl. La région de Vitebsk est considérée comme une région dite propre.

L’analyse comparative du risque relatif de l’incidence du cancer montre un accroissement considérable en 1997- 2003, par rapport à la période précédente 1993-1996.

La période 1997-2003 a été caractérisée par une forte augmentation des cancers de tous les sites, dont le côlon, la glande mammaire, la peau et la thyroïde.

Diapositive 11 :

Our la période 1990–2003, par comparaison avec la valeur retenue chez les femmes vivant dans les zones les moins contaminées, une augmentation statistiquement significative du cancer du sein a été constatée parmi les femmes de la région de Gomel. En particulier, une augmentation par un facteur trois du cancer du sein dose- dépendant a été démontrée parmi les femmes de la région de Gomel (Rapport national, 2006).

Cependant, le rapport du Forum Tchernobyl à Vienne 2005 montre que le groupe d'experts internationaux n'a révélé aucune preuve de la croissance de la leucémie et du cancer qui puisse être attribuée aux radiations parmi les habitants des régions touchées. Toutefois, un important corpus de données actuellement réunies permet de tirer d'autres conclusions concernant les effets sanitaires des faibles doses de rayonnements ionisants.

Il y a quelques raisons à ce désaccord.

Tout d'abord, il est clair que quelques attentions ont été portées à l'évaluation des doses corporelles par comparaison avec la reconstitution des doses à la thyroïde. Par conséquent, nous devrions admettre la non-validité de données fiables concernant les doses individuelles et collectives appropriées à des études à long terme de cohortes sur la dose-dépendance de l’incidence du cancer (mortalité). Pour le moment, ces recherches n'ont pas été entreprises.

Une seule étude de cohorte sur le cancer de la thyroïde et d'autres maladies thyroïdiennes après la catastrophe de Tchernobyl est actuellement conduite au Bélarus et en Ukraine, qui comprend 25 161 sujets âgés de moins de 18 ans en 1986. Ensuite, une estimation des conséquences lointaines des retombées de Tchernobyl a été réduite à l'évaluation en débit de dose des effets sanitaires des radiations à faibles doses. L'une des caractéristiques spécifiques de la catastrophe de Tchernobyl est l’exposition à long terme de nombreux groupes de population à des faibles doses de radiations. Plus précisément, l’exposition à un débit de dose relativement élevé (pendant des jours ou des semaines) a été suivie par une exposition prolongée (pendant des décennies) à un taux de f aible dose.

Avant la catastrophe de Tchernobyl, la réalité d'effets génétiques de très faibles doses de rayonnements ionisants demeurait incertaine.

Diapositive 12 : Nos données

Un certain nombre d'études menées pendant les deux dernières décennies apporte des données fiables sur les graves effets biologiques et médicaux de la catastrophe de Tchernobyl, concernant l’impact nocif de l'irradiation à faibles doses et taux de faibles doses. Ces résultats ont été établis pour la cellule, les animaux et l’être humain.

Nous avons donc établi les effets génétiques des faibles doses (inférieures à 100 mSv) sur les cellules somatiques et germinatives d’une espèce modèle mammifère, le campagnol roussâtre, qui a été chroniquement exposé à de faibles doses de rayonnements ionisants sur plus de 22 générations pendant la décennie qui a suivi la catastrophe de Tchernobyl (Ryabokon, Gontcharova, 2006).

Par exemple, vous pouvez voir sur cette diapositive la courbe de la dose-réponse pour les fréquences générales d’aberrations chromosomiques et translocations robertsoniennes situées dans la moelle osseuse rouge du campagnol roussâtre habitant dans l’un des cinq sites qui présentent différents degrés de dépôts de radionucléides au sol en 1996. Les doses accumulées dans les cinq populations de mammifères vivant dans les zones contaminées étaient de 0,3 ; 0,7 ; 12 et 25 mGy.

L'analyse de nos données et de la littérature montre que les estimations de doublement de dose pour l’irradiation aiguë des cellules somatiques chez le campagnol roussâtre et les lymphocytes humains, ainsi que pour les cellules germinales chez la souris de laboratoire, sont proches les uns des autres (Gontcharova, Smolich, 2002). Le choix du campagnol roussâtre comme espèce modèle pour évaluer le risque génétique des radiations est donc justifié.

Diapositive 13 :

Nos données sur les effets génétiques statistiquement significatifs des très faibles doses concordent avec celles réunies sur les risques de cancer liés aux radiations à faibles doses parmi les survivants de la bombe atomique.

Le récent rapport général sur la mortalité dans la cohorte des survivants de la bombe atomique suivie par la Radiation Research Foundation apporte des éléments solides qu’il existe une preuve directe, statistiquement significative de risque pour des doses de 0 à 0,10 Sv. Vous pouvez voir la courbe de dose-effet sur cette diapositive. Pour évaluer les risques de faibles doses, Pierce et Preston ont utilisé des données d’études sur la durée de vie (LSS) concernant l’incidence des cancers solides pendant la période de 1958 à 1994.
Il est important de noter que les risques de cancer liés aux radiations à faibles doses parmi les survivants de la bombe atomique ont bien été établis au cours des 45 ans qui ont suivi les bombardements. Il est connu que plus faibles sont les doses de radiations, plus longues sont les périodes de latence.

D'autre part, le récent rapport général sur l’incidence des cancers solides parmi les survivants de la bombe atomique sur la période 1958—1998 (Preston et coll., 2007) et la publication (Pierce, Preston, 2000) avance la preuve directe, statistiquement significative du risque pour des doses de 0 à 0,15 Gy. Les doses corporelles reçues par les populations exposées dans les trois pays les plus touchés République du Bélarus, l'Ukraine sont estimées être de cet ordre, c’est-à-dire dans cette frange qui entraîne une augmentation statistiquement significative de l’incidence du cancer après une explosion nucléaire.

Bien que les enquêtes de la Radiation Research Foundation s’inscrivent dans la recherche sur les doses élevées, 30% environ des individus exposés de la cohorte ont reçu, en réalité, des doses de 5 à 200 mGy (Preston et coll., 2007). De telles doses corporelles d’irradiation dues à la catastrophe de Tchernobyl ont touché les habitants des zones fortement contaminées au Bélarus, en Ukraine et en Russie. Ceci indique la possibilité de cancers radio- induits et causés par la catastrophe de Tchernobyl.

Selon les connaissances actuelles (BEIR VII, 2006), il n’y a aucun seuil pour l'effet carcinogène des rayonnements ionisants. Par conséquent, toute irradiation additionnelle induira d'autres cancers parmi les populations exposées, non seulement dans les trois pays les plus contaminés, mais partout en Europe, y compris en France, Suisse, Allemagne et autres pays.

Il est important de noter que les cancers liés à de faibles doses d'irradiation parmi les survivants de la bombe atomique ont été établis après les cancers liés à des doses élevées d’irradiation. La période de latence plus longue en cas de faibles doses d'irradiation est responsable de cet effet. Ainsi faut-il s’attendre, à l’avenir, à une manifestation plus prononcée de cancers additionnels dus à la catastrophe de Tchernobyl. En particulier, une augmentation dose-dépendante multipliée par un facteur de trois de l’incidence du cancer du sein a été récemment constatée parmi les femmes de la région de Gomel (Rapport national, 2006). Selon les estimations de Malko, pour le seul Bélarus, il faut s’attendre à environ 28 300 cancers solides autres que les cancers de la thyroïde et de la peau de type non-mélanome (de 11 800 à 44 800). C’est presque six fois plus (130 400 pour toute l’Europe) que prévu par Cardis et coll., 2006 (22,800). Pour la France : 1 220 cas ; pour l’Allemagne : 9 280 cas.

En outre, de récentes études sur la cellule et sur la molécule ont accru notre compréhension des effets des radiations à faibles doses, concernant tout d'abord l’instabilité génomique induite et les effets secondaires. L’accumulation transgénérationnelle des dommages de l’irradiation sur des animaux pendant plus de 22 générations a été démontrée par les niveaux d'aberrations chromosomiques dans les cellules embryonnaires de la moelle osseuse et par la létalité des populations du campagnol roussâtre chroniquement exposées à de faibles doses, avec de très faibles débits de doses (Ryabokon, Gontcharova, 2006).

De toute évidence, les effets non ciblés des rayonnements ionisants tels que l'instabilité génomique, les effets secondaires et d’autres phénomènes nouveaux doivent contribuer à dégager des résultats globaux à court et à long terme pour la santé humaine, après une exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants. C’est dans cette perspective que nous étudions l'instabilité génomique de différents groupes à risque dans la population biélorusse (Gontcharova et coll., 2008). Je pense que l’incidence accrue du cancer de la thyroïde chez l'enfant de parents irradiés et chroniquement exposés après l’'accident de Tchernobyl pourrait être une manifestation d’instabilité génomique induite (Goncharova, 2005).

Pour élucider le lien de causalité entre les faibles doses d’exposition aux radiations en raison de retombées de Tchernobyl et les augmentations observées de nombreux types de cancer et de malformations congénitales au Bélarus (Rapport national, 2006), il faut mener des études épidémiologiques sur l’irradiation à long-terme et reconstituer les doses corporelles absorbées. Ainsi, toute déclaration faite dans le déni des augmentations liées à l’irradiation, de l'incidence d'autres types de cancer et de malformations congénitales ne peut résulter que d'une recherche inexistante ou inadéquate.

Diapositive 14 :

Il existe des données sur une sensibilité accrue des cellules somatiques et germinales chez les animaux et les êtres humains aux faibles doses de radiation (Vilenchik, Knudson, 2000). Il y a également des données similaires sur les risques de cancer attribuables aux faibles doses. À cet égard, j'aimerais vous communiquer les données publiées par la Radiation Effects Research Foundation sur l'excès de risque relatif pour la mortalité par cancer.

L'estimation de l’excès de risque relatif (ERR) par Sv pour les échantillons de dose sélectionnés dans la cohorte LSS était le plus élevé de la catégorie de doses les plus faibles, à savoir de 0 à 20 mSv, comparée avec une dose variant entre 0 et 3 Sv. Récemment, les scientifiques de la Radiation Effects Research Foundation ont également donné des preuves tangibles des effets des radiations sur la mortalité non-cancéreuse. Des augmentations statistiquement significatives ont été constatées pour les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, les troubles respiratoires et digestifs, et d’autres maladies (Preston et coll., 2003).

Diapositive 15 : Conclusions

Les doses corporelles reçues par les populations exposées de la République du Bélarus, de l'Ukraine et des régions contaminées de la Fédération de Russie se situent dans la fourchette des doses de 0 à 0,15 Gy, c’est-à-dire dans la frange qui a provoqué une augmentation significative de l’incidence du cancer chez les survivants de la bombe atomique.

L’incidence du cancer de la thyroïde ne cesse de croître dans la population adulte du Bélarus (Rapport national, 2006). Pendant la période 1990–2003, il y a eu une augmentation statistiquement significative de cancer du sein chez les femmes de la région de Gomel, par comparaison avec la valeur correspondante chez les femmes vivant dans les zones moins contaminées. La relation de dose-dépendance entre la dose de radiation accumulée et le risque relatif concrétisé du cancer du sein a été démontrée.

Selon les données recueillies par Alexeï Okéanov dans la population vivant dans les régions avec une radio- contamination de 37 à 555 kBq/m2, l’élévation considérable du risque relatif de l’incidence des cancers s'est produite de 1997 à 2003, par comparaison avec la période précédente 1993-1996.

Rassembler toutes ces données nous permet de conclure que l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl entraînera un certain nombre de conséquences défavorables pour la santé, à la fois des personnes touchées et des générations à venir.

En particulier, une augmentation de l’incidence du cancer de la thyroïde chez les enfants nés de parents irradiés et chroniquement exposés après l’accident de Tchernobyl pourrait être une manifestation de l'instabilité génomique induite.

Pour établir le lien de causalité entre l’irradiation à faibles doses due aux retombées de Tchernobyl et les augmentations observées de nombreux types de cancer et de malformations congénitales au Bélarus (Rapport national, 2006), il faut songer à réaliser, relativement aux radiations, des études sanitaires et épidémiologiques de cohortes, avec reconstitution des doses corporelles absorbées.

Enfin, toute déclaration faite sans prise en compte des augmentations, liées à la radiation, de l'incidence d'autres types de cancers et des malformations congénitales signifie tout simplement le déni des données établies au Bélarus, en Ukraine et dans la Fédération de Russie, ainsi que l'absence d'une recherche adéquate.