Solange Fernex
Solange Fernex
Ligue Internationale des femmes pour la paix et la liberté WILPF France
L’iode 131 est un radioélément dont la demi-vie est de huit jours, et qui est rejeté lors de la fusion partielle du cœur d’un réacteur nucléaire (Three Miles Island aux Etats Unis en 1979) ou totale avec explosion (Tchernobyl en 1986). Il est également rejeté au cours du fonctionnement normal d’une centrale ou d’une usine de retraitement. La courte durée de vie de l’iode 131 permet de s’en protéger partiellement, en absorbant au préalable (si possible avant les retombées) de l’iode stable, et en modifiant son comportement alimentaire pendant quelques semaines.
L’iode est inhalé au moment du passage du nuage radioactif, ou ingéré avec le lait et les produits laitiers, les légumes verts, la viande, dans les jours et semaines qui suivent.
Les mesures à prendre sont, en conséquence, le confinement pendant le passage du nuage (fermer les fenêtres, ne pas sortir les enfants), et l’interdiction de consommer des produits frais pendant environ six semaines. On consommera du lait concentré ou upérisé, des légumes en conserve ou congelés.
Il est également impératif de tenir les vaches laitières et le bétail à l’intérieur pendant six semaines (fourrager du foin mis à l’abri ou de l’ensilage récolté avant l’accident).
Etant donné que l’iode est «thyréotrope»(il passe directement du sang dans la thyroïde où il se concentre), il faut administrer de l’iode non radioactif (iodure de potassium stable, IK) une à trois heures avant le passage du nuage. La thyroïde se remplit ou se sature rapidement, comme une éponge, et il n’y a plus guère de place pour l’iode radioactif, qui ne peut plus s’y concentrer.
La nouvelle mouture de la directive de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour la prophylaxie par l’iode stable en cas d’accident nucléaire se base sur le retour d’expérience de la Pologne après Tchernobyl
1).
En Pologne, une mobilisation sans précédent des pouvoirs publics a permis d’administrer à dix millions d’enfants de 0 à 16 ans de l’iodure de potassium dans les premiers jours après Tchernobyl. Contrairement aux prévisions, il y a eu moins de d’un cas sur un million d’effets secondaires graves.
Pour la France, cette nouvelle directive implique des mesures à prendre, et cela le plus rapidement possible :
Par opposition à ce qui a été fait chez nos voisins , rien de ce qui précède n’a été mis en œuvre par les autorités françaises en avril et mai 1986. Le résultat en serait l’explosion actuelles des maladies thyroïdiennes. La plainte contre X, déposée le 5 octobre 2001 par 180 malades de la thyroïde, est basée sur l’absence d’information et de mesures de protection face à l’iode radioactif de Tchernobyl.
Il faut absolument noter que, s’il est indispensable que chaque Français ait de l’iode stable chez lui, aussi longtemps que des installations nucléaires fonctionneront dans notre pays et à cinq cents kilomètres (Tchernobyl est à 2 000 km) de nos frontières, ce produit ne protège nullement des autres radioéléments, également présents dans un nuage radioactif, inhalés et ingérés en même temps que l’iode. Il s’agit essentiellement du césium 137, dont la demi-vie est de près de trente ans, mais aussi du strontium 90 et d’autres. On peut partiellement se protéger du césium 137, dès lors que l’on mesure la contamination en surface et celle des aliments, comme le fait la Criirad.
Ces mesures permettent de rejeter les aliments contaminés et d’établir des cartes de radio-contamination des sols, en particulier sols arables, pâtures et forêts, permettant de zoner les terrains qui ne sont plus cultivables et qui doivent être retirés de l’économie agro-forestière pour des centaines d’années et où il est déconseillé de stationner (Mercantour, sommets alpins).
Au congrès d’Aix-en- Provence en septembre 2001, soit quinze ans après la catastrophe, l’IPSN a enfin publié ses mesures de césium 137. Il est en effet extrêmement choquant de constater que l’Atlas européen du césium 137, publié par l’Union européenne en 1998, ne comporte que trente cinq mesures pour toute la France, dont aucune en Corse, sur un ensemble de 40 000 mesures cartographiées.
Les autorités sanitaires n’ont encore, quant à elles, prévu aucune mesure de précaution pour les personnes qui vivent dans ou à proximité de ces zones contaminées au Cs 137 et qui consomment des aliments qui en proviennent (champignons, baies, herbes, etc…).
Les travaux du professeur Nesterenko (Minsk, Biélorussie) ont montré que, chez les enfants, des additifs alimentaires adsorbants, utilisés précédemment dans les cas d’intoxication par des métaux lourds ( Sanofi en France), permettent d’accélérer l’excrétion du césium 137 et d’empêcher momentanément sa réabsorption. Il s’agit en particulier de pectine, extraite de pomme. les cures de pectine doivent être intermittentes, pour ne pas priver l’organisme de minéraux essentiels et oligo-éléments. Tant qu’on ne mesure pas la radioactivté, rien ne peut bien sûr être fait.
L’étude publiée en décembre 2000 par l’IPSN sur l’impact de Tchernobyl en France est un modèle de ce qui est désormais inadmissible. Il s’agit d’une extrapolation mathématique savante, à partir de reconstructions hypothétiques des doses de contamination radioactive, qui utilise un modèle de risque non pertinent: le modèle dit «de Hiroshima», avec irradiation externe unique, n’a rien à voir avec le «modèle de Tchernobyl», avec incorporation chronique, à l’intérieur même de l’organisme, des systèmes, des organes, des tissus et des cellules vivantes, de radioéléments à courte durée de vie, en particulier avec la nourriture. La concentration du césium 137 dans certains organes vitaux, montrées par les travaux du professeur Youri Bandazhevsky, est totalement ignorée.
Seules des mesures physiques de radioéléments, réellement effectuées sur le terrain (comme celles de la Criirad et de A. Paris), au niveau de l’alimentation et chez des patients, ainsi que les observations cliniques dans les hôpitaux, les statiques de la Sécurité Sociale et les prescriptions des médecins, permettront d’évaluer, enfin, le véritable impact sur la santé publique française de cette terrible catastrophe. Alors seulement, le nécessaire débat sur la sortie du nucléaire pourra s’engager, en pleine connaissance des véritables risques et enjeux de cette technologie incontrôlable.
1)
Guidelines for lodine Prophylaxis following Nuclear Accidents, update 1999, WHO Geneva, WHO / SDE /99.6