V.B.Nesterenko, membre correspondant de l'Académie des Sciences Nationale du Belarus, professeur, docteur ès sciences techniques, directeur de l'Institut de radioprotection “Belrad”
Assemblée Nationale - Paris
28 mars 2002
Vassili Nesterenko
Suite à l'accident de la Centrale de Tchernobyl, plus de 23% du territoire du Belarus a subi une contamination radioactive supérieure à 1 Ci/km2 (37 kBq/ m2). En 1986, plus de 2 millions de personnes, dont 500.000 enfants, vivaient dans les 3.668 agglomérations de ce territoire. La zone contaminée il y a 811 établissements préscolaires, 911 écoles secondaires, 78 écoles secondaires professionnelles et 19 écoles-internats. Au cours des années on a relogé 140.000 personnes des endroits les plus dangereux mais plus de 27.871 personnes dont 6.758 enfants continuent à vivre dans des territoires au niveau de contamination supérieur à 185 kBq/m2. Pour les besoins de la radioprotection, il est objectivement indispensable de reloger tous les habitants ( 28.000) des régions contaminées à plus de 185 kBq/m2. De plus, près de 200.000 personnes vivent dans des régions où toutes les mesures de protection qu'on a appliquées n'ont pas pu abaisser au-dessous de 2 mSv/an les charges corporelles annuelles dans les groupes critiques.
Le dommage économique causé au Belarus par l'accident de Tchernobyl dépasse 235 milliards de dollars, ce qui représente 32 budgets de l'état de 1985. En dépit du fait que le Belarus dépense chaque année jusqu'à 20% du budget de l'état pour les programmes d'élimination des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, - ce qui constitue une charge exorbitante pour le budget de la république, - les habitants des régions sinistrées ne bénéficient pas d'une radioprotection suffisante.
Avant 1990, les régions contaminées du Belarus étaient ravitaillées en aliments propres. La situation économique d'alors ainsi que l'aide de l'Etat permettaient aux habitants des campagnes d'acheter des produits propres (principalement, du lait). Chaque année 700 à 800.000 enfants se rétablissaient dans les régions propres du Belarus de Russie et d'Ukraine ainsi qu'à l'étranger.
La législation internationale sur les compensations pour les dommages nucléaires est ainsi faite que ni la Russie (créateur des équipements nucléaires de la centrale de Tchernobyl) ni l'Ukraine (son propriétaire) n'ont compensé les dommages économiques causés par l'accident. L'aide internationale est, elle aussi, infime. Sur le plan pratique, seules les organisations non gouvernementales viennent en aide aux habitants des régions sinistrées (le rétablissement des enfants etc…) L'Etat ne finance annuellement que le rétablissement de 200 à 220 mille enfants dans les régions “propres” du Belarus et de 50 à 60 mille enfants dans des familles à l'étranger.
Le financement prévu par le “programme Tchernobyl” a permis à l'Etat d'organiser dans les écoles et les jardins d'enfant des régions sinistrées une distribution gratuite de repas 2 à 3 fois par jour, et cette mesure de radioprotection s'est avérée efficace (les enfants recevant des aliments relativement “propres”). Dans le cadre du programme Tchernobyl, l'Etat accorde une aide financière importante aux exploitations agricoles collectives (kolkhozes et sovkhozes) pour la fertilisation des sols avec des engrais minéraux. Dans le secteur privé, l'aide de l'Etat est pratiquement inexistante. En 16 ans l'Etat n'a financé qu'une fois la fertilisation des prairies où paissent les vaches des paysans à raison de 0,5 ha par tête de bétail.
Le rapport de la Mission de l'ONU Conséquences humanitaires de l'accident de Tchernobyl. Stratégies de réhabilitation (mars 2002) ne reconnaît comme conséquence sanitaire de la catastrophe que 1800 cancers de la thyroïde chez l'enfant et ne prévoit dans l'avenir pas plus de 6000 à 8000 cancers de la thyroïde pouvant survenir dans le courant de la vie des enfants irradiés en 1986 dans les trois pays sinistrés. Ces données sont de toute évidence bien en dessous de la réalité. Il suffit de rappeler les données officielles bien connues du professeur E.P.Demidtchik : sur le territoire du seul Belarus, 7701 cas de cancers de la thyroïde ont été enregistrés au 1 janvier 2001, dont 1415 cas chez l'enfant et l'adolescent. Les spécialistes de la Mission de l'ONU ont reconnu une aggravation importante de l'état de santé de la population (en 1985 il y avait au Belarus 85% d'enfants en bonne santé, en 2000 il y en avait moins de 20%). Mais selon eux cette aggravation est due uniquement au stress causé par la nécessité de quitter le domicile et le cadre de vie habituel.
Le Centre républicain de médecine radiologique dépendant du ministère de la Santé a observé pendant 15 ans 277 enfants, évacués de la zone de 30 km autour de la Centrale de Tchernobyl à l'âge de 1 à 3 ans. Aujourd'hui que ces enfants ont atteint l'âge de 16-18 ans, seuls 5,1% d'entre eux sont reconnus en bonne santé, 23,1% - en santé moyenne et 71,8% - malades.
A la Conférence internationale Les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl qui s'est tenue du 4 au 8 juin 2001 à Kiev, on a pu entendre les professeurs E.Bourlakova et Y.Bandazhevsky présenter les résultats des examens médicaux des enfants. Une corrélation entre la charge en radionucléides incorporés et l'état de santé des enfants a été établie pour le système cardio-vasculaire (fréquence des altérations des électrocardiogrammes), les organes de la vue, les systèmes endocrinien et reproducteur, et autres. Il a été souligné que “pour les habitants des régions contaminées par Tchernobyl qui subissent de manière chronique les effets de faibles doses de radiation, il était incorrect d'utiliser les coefficients de doses obtenus lors de l'examen de 100.000 habitants de Hiroshima et Nagasaki (irradiation instantannée).
Il semble que ni les organisations internationales ni les services médicaux biélorusses ne se hâtent de proposer des projets médicaux communs axés sur l'étude de la relation entre la charge corporelle en radionucléides et le nombre de maladies, surtout chez l'enfant (système cardio-vasculaire, endocrinien, reproductif féminin, organes de la vue, reins, diabète sucré chez l'enfant etc).
Le gouvernement du Bélarus et les organisations internationales (projets TACIS, ETHOS) accordent une attention bien insuffisante à l'appel de financements d'investisseurs biélorusses et étrangers, à la formation de la population aux moyens actifs de se protéger de la radiation, aux mesures pratiques visant à diminuer la dose radioactive annuelle. Il faudrait:
De 1991 à 2001, l'Institut de radioprotection “Belrad” a réalisé dans les régions contaminées du Belarus plus de 350 000 mesures du taux d'accumulation du césium-137 dans les aliments consommés par les habitants. Elles ont montré que le taux de césium 137 était en moyenne supérieur à 100 Bq/l dans 10 à 15% de la totalité du lait et supérieur à 370 Bq/kg (avec des maximum de 5000 Bq/kg) dans 80% des champignons. Cependant dans certains villages la quantité de lait contaminé au-delà des normes admises s'est révélée bien supérieure. Le tableau 1 présente les données concernant la contamination du lait dans certains villages des régions de Gomel et de Brest, obtenues de 1997 à 2000 par les Centres Locaux de Contrôle Radiologique (CLCR) créés par l'Institut Belrad.
district de Vetka |
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district d'Ielsk |
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district d'Ielsk |
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district de Jitkovitchi |
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district de Kalinkovitch |
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district de Retchitsa |
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district de Tchetchersk |
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district de Tchetchersk |
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district de Stolin |
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district de Stolin |
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district de Louninets |
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district de Louninets |
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Dans de nombreux villages à certains mois de l'année le pourcentage de lait au taux de contamination par le césium 137 supérieur aux niveaux d'admissibilité s'est élevé jusqu'à 50-90%; dans certains village tous les échantillons de lait apportés par la population aux Centres de contrôle étaient contaminés outre mesure. Citons les villages de Litvinovitchi du district de Korma (en 1997), Chareïki du district de Kalinkovitchi (1997, 1998), Mikoulitchi du district de Braguine (1998), Lakhovka du district de Louninets (1998), Paré du district de Pinsk (1999), Slobodka du district de Kalinkovitchi (1999,2000).
Selon les données du Ministère de la Santé du Belarus, en 2001 la concentration de césium 137 dans le lait s'est avérée supérieure à 50 Bq/l dans plus de 1100 villages. L'analyse des données obtenues au cours de ces années montre que la quantité d'aliments contaminés au-delà des niveaux d'admissibilité ne diminue pas.
L'adoption de niveaux d'admissibilité sévères pour le césium-137 et le strontium-90 dans les principaux produits alimentaires pourvoyeurs de doses est une des mesures les plus efficaces pour protéger la population.
La présence de concentrations importantes de césium 137 dans l'aliment essentiel des enfants des campagnes – le lait (dont les valeurs maximales atteignent de 1400 à 2600 Bq/l pour le secteur privé) – conduit à une importante incorporation du césium 137 dans l'organisme des enfants, ce qui est probablement une des raisons principales de la détérioration brusque de leur état de santé.
Les examens d'enfants effectués entre 1996 et 1999 par les équipes de l'Institut de médecine de Gomel (Professeur Y.I.Bandazhevsky) dans les villages des régions du Belarus contaminées par Tchernobyl ont montré que les fortes concentrations de césium 137 dans l'organisme des enfants provoquent une détérioration brusque de leur état de santé : en présence d'une concentration de césium-137 supérieure à 50 Bq par kilogramme de poids du corps dans l'organisme de l'enfant, on constate des altérations pathologiques au niveau des organes et des systèmes vitaux, principalement du système cardio-vasculaire, nerveux, endocrinien, immunitaire, reproducteur, digestif et urinaire.
Les risques que présente l'accumulation chronique de quantités si importantes de radionucléides dans l'organisme de l'enfant ont été confirmés par d'éminents radiobiologistes de Russie (le professeur et docteur en médecine E.B.Bourlakov, le membre correspondant de l'Académie des sciences de Russie, professeur et docteur en biologie A.V.Iablokov), d'Ukraine (le professeur et docteur en médecine M.I.Roudnev, le professeur et docteur en médecine L.V. Porokhniak-Ganovskaïa), de France (le professeur et docteur en médecine Michel Fernex).
La fig.1 montre la corrélation entre le taux de radionucléides incorporés dans l'organisme, et le nombre d'enfants présentant un électrocardiogramme normal. ;#;image absente;#; On constate qu'au dessous de 5 Bq/kg de poids, plus de 80% des enfants sont sains. Avec 11 Bq/kg de poids les enfants sains ne sont plus que 35%. Autrement dit, chez 65% des enfants présentant une concentration de césium-137 de plus de 11 Bq/kg du poids, les électrocardiogrammes présentent des anomalies. En présence d'une concentration de césium-137 dépassant 70 Bq/kg de poids dans leur organisme, près de 90% des enfants ont un électrocardiogramme anormal.
Les rapports médicaux du Ministère de la Santé et du Comité Tchernobyl notent qu'au cours des années qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl, le nombre des enfants sains au Belarus est passé de 85% (en 1985) à 20% (en 1999). Une hausse de la morbidité a été constatée pour toutes les classes de maladies. Dans les régions contaminée la fréquence des malformations innées s'est vue multipliée par 2,3. L'espérance de vie des habitants du Belarus est plus basse que celle des populations des pays qui l'entourent (Russie, Ukraine, Lettonie, Lituanie, Estonie, Pologne).
On pourrait certes tenter d'expliquer ces processus sanitaires négatifs par la détérioration de la situation économique du pays, surtout des habitants des campagnes. Mais au lendemain de la seconde guerre mondiale la situation économique de la population biélorusse n'était pas meilleure qu'aujourd'hui. Or aucune catastrophe sanitaire n'avait été observée alors. ==== Particularités de l'impact des radionucléides sur l'organisme de l'homme. ==== 16 ans après l'accident à la centrale nucléaire de Tchernobyl, le gros de la charge radioactive corporelle reçue par les habitants des régions contaminées (> 80%) provient des aliments de production locale qu'ils consomment et qui sont fortement eux-mêmes contaminés par le césium 137 ou le strontium 90. Ce sont les habitants des campagnes qui reçoivent la plus grande part de la dose collective annuelle d'irradiation. Le système de contrôle radiologique des produits alimentaires qui est en place ne s'occupe que des produits alimentaires produits dans le secteur étatique. Le secteur privé est laissé sans aucun contrôle (vergers, potagers, vaches des paysans). Il faut souligner que 50% des aliments consommés par la population du Belarus sont produits par le secteur privé et leur consommation n'est sujette à aucun contrôle (les postes de contrôle sanitaire et épidémiologique du Ministère de la Santé procèdent bien à quelques contrôles ponctuels qui sont nettement insuffisants). Selon les données ( 1991-2001) des Centres Locaux de Contrôle Radiologique créés pour contrôler les aliments de la population, 10-15% du lait et 80% des produits de la forêt apportés par les habitants de la zone contaminée présentaient des concentrations de césium 137 supérieurs aux niveaux admissibles.
On note un effet de synergie entre les facteurs radiologique et chimique du césium 137. Le radiocésium pénètre dans l'organisme avec les aliments et est activement absorbé par les cellules des organes vitaux – le cœur, la thyroïde, le foie, les reins, le système nerveux. La manifestation du processus pathologique est déterminée par la quantité du césium 137 incorporé. On a établi que la concentration du césium 137 dans les divers organes étaient fort irrégulière (de 3 à 10 fois plus importante dans certains organes) et qu'elle provoquait des altérations complexes structurales et métaboliques dans tout l'organisme.
Si on compare les groupes d'âge, les enfants et les adolescents reçoivent une charge corporelle 3 à 5 fois plus grande que les adultes à consommation égale d'aliments contaminés de radionucléides. Ils sont bien plus sensibles à l'action négative de la radioactivité. Le Professeur Yuri Bandazhevsky a établi une corrélation entre les altérations pathologiques observées chez les enfants et les mesures de leur charge corporelle en radionucléides au niveau:
Entre 1996 et 2001 l'Institut Belrad a examiné plus de 115.000 enfants des régions contaminées à l'aide de ses laboratoires ambulants équipés de spectromètre de rayonnement humain (SRH). Ces examens ont mis en évidence les hauts niveaux de concentration de césium 137 dans leur organisme. 90% des enfants examinés au moyen du SRH avaient des niveaux d'accumulation de césium 137 dans l'organisme supérieurs à 15 Bq/kg, les enfants de nombreux villages avaient jusqu'à 200-400 Bq/kg, certains enfants de familles démunies – jusqu'à 1500-2000 Bq/kg, dans le village Doubline du district de Braguine ce niveau était de 3500 à 4000 Bq.kg, dans les villages de Kirov et Khiltchikha du district de Narovlia – de 4000 à 7000 Bq/kg.
La carte montre les niveaux d'accumulation du césium 137 dans l'organisme des enfants des district de Leltchitsy, d'Ielsk et de Narovlia de la région de Gomel. Ces données prouvent que plus de 90% des enfants doivent bénéficier d'urgence de protection radiologique.
Nos mesures au moyen du SHR de l'accumulation de césium 137 dans l'organisme des enfants ont montré que la zone de sinistre écologique du Belarus est beaucoup plus vaste que la zone contaminée par les retombées radioactives et cela est dû à la dispersion des produits alimentaires contaminés.
Les mesures que nous avons effectuées dans plusieurs centaines de villages des régions contaminées du Belarus sur des échantillons représentatifs et statistiquement fiables, et qui mettent en évidence une importante concentration de césium 137 dans l'organisme de l'enfant, prouvent que les mesures de radioprotection mises actuellement en place sont loin d'être suffisantes.
Pour avoir des résultats fiables de l'examen anthropogammamétrique de 500.000 enfants répété deux fois par an pour chacun, il est nécessaire de procéder à 120-150 mille examens par an. Pour cela il faut disposer de 12-15 laboratoires mobiles équipés de SRH. J'ai exposé ce programme pour la première fois le 17 avril 1996 à Strasbourg devant le Parlement européen lors de la Conférence sur les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl au Belarus.
A partir de1996 dans le cadre d'un programme international et avec l'aide financière d'associations caritatives d'Irlande, d'Allemagne, des Etats-Unis et de Norvège, l'Institut “Belrad” a créé 7 laboratoires radiologiques mobiles (à bord de minibus Ford-Transit) équipés de SRH et de radiomètres-gamma RUG-92M pour le contrôle radiologique des aliments.
Comme le dommage causé à la santé des enfants dépend directement de la dose radioactive qu'ils ont reçue au cours de toute leur vie depuis le début de la catastrophe, les mesures de radioprotection doivent avant tout poursuivre le but de diminuer les doses individuelles et collectives de contamination.
Dans les territoires contaminés du Belarus habitent plus de 500.000 enfants. Dans 1100 villages de cette région le lait qu'ils consomment a une teneur de plus de 50 Bq/l, or plus de 60% de la charge corporelle des enfants provient du lait radioactif. Ce sont donc les enfants qui ont besoin avant tout de protection radiologique.
Le but de la radioprotection est de diminuer la charge corporelle des enfants en césium 137 jusqu'à des niveaux inoffensifs ( moins de 15-20 Bq/kg). Pour cela il est indispensable de modifier les normes concernant la teneur en césium 137 des aliments destinés aux enfants, ainsi que les normes d'intervention: la charge corporelle de 0,1 mSv/an ne doit pas être dépassée pour le groupe critique. Il est extrêmement important d'informer la population de manière objective, d'apprendre aux maîtres d'école, aux enfants et à leurs parents comment faire pour diminuer la quantité de radionucléides dans les aliments de production locale (cuisson, macération dans l'eau salée des champignons, de la viande et autres produits, séparation du lait etc)., comment obtenir des cultures non contaminées dans leurs potagers par des méthodes de fertilisation des sols par engrais minéraux, comment obtenir du lait non contaminé en ajoutant des adsorbants aux fourrages.
L'Institut des Forêts de Gomel (académicien V.A.Ipatiev) a étudié pendant trois ans sur le territoire de l'exploitation forestière de Vetkovsk de la région de Gomel l'évolution de la contamination par césium 137 des champignons comestibles dans les conditions d'une action directe de l'homme sur la couche nutritive des sols d'une pinède de 95 ans en comparant ces résultats avec le contamination des champignons d'un sol automorphe. La “barrière biologique” qui se forme dans les conditions de la phytocénose de la pinède assure en trois ans le blocage du transfert du césium 137 pourvoyeur de dose dans les arbres et conduit à la formation d'une couche d'humus où poussent des champignons beaucoup moins contaminés [32]. Grâce à cette “barrière biologique” la contamination des champignons a pu être divisée par les facteurs de 2 à 10 . Pour la création de la “barrière biologique” on a utilisé un engrais potassique (183 kg de K2O/ha) ou 2,5 t/ha de lignine. Les dépenses pour la réalisation d'une protection de ce genre sont de l'ordre de 5 à 10 dollars US par hectare de forêt.
Sur le territoire de l'exploitation forestière d'Ielsk de la région de Gomel, dans un bois de pins et bouleaux de 60 ans poussant sur un marais asséché en 1965, on a procédé au cours des années 1999-2000 à une étude du rapport entre la profondeur de la nappe phréatique et la formation d'une “barrière biologique” dynamique. A certains niveaux des eaux souterraines, la contamination en césium 137 est de 2 à 5 fois plus basse, aussi bien dans le bois des arbres que dans l'humus. Parfois la couche partiellement libérées des radionucléides atteint 10 cm et plus. La contamination en césium des baies et champignons poussant sur ces sols est également de 2 à 10 plus basse qu'ailleurs.
Pour la protection des enfants de ces régions il est très important d'introduire dans leur ration alimentaire un additif à la pectine qu'ils doivent prendre régulièrement (3 à 4 fois par an durant un mois) et qui élimine les radionucléides de leur organisme. Ce traitement à la pectine doit s'accompagner d'un contrôle permanent de leur charge corporelle en césium 137 au moyen du spectromètre de rayonnement humain (SRH). Cette mesure de radioprotection est certes également nécessaire aux adultes mais à régime alimentaire identique, les enfants concentrent de 3 à 5 fois plus de radionucléides que les adultes et doivent être protégés en premier lieu.
Voici en résumé les mesures qui permettent de protéger l'homme des conséquences de la radiation sur sa santé:
L'opinion publique a finalement pris conscience de l'utilité de l'apport d'engrais minéraux dans le sol et de l'ajout d'adsorbants aux fourrages donnés au bétail domestique pour l'obtention de lait non contaminé.
Mais le dommage économique causé au pays par la catastrophe et les dépenses qu'il a dû assumer au cours des 4-5 dernières années pour introduire dans les sols 40-50% des engrais minéraux indispensables, fait qu'il est incapable actuellement et dans les dix années à venir de résoudre le problème de la production de produits alimentaires non contaminés.
Malgré l'effort fourni par 6 entreprises du Belarus pour produire des fourrages mêlés d'adsorbants (bleu de Prusse) et la mise en place de la distribution de 50-60 kg de ces fourrages par tête de bétail, le problème de l'obtention dans les région contaminées de lait contenant moins de 37 Bq/l de césium 137 n'a pas été résolu.
De ce point de vue, l'importance des recherches prophylactiques menées en Ukraine sur l'utilisation d'additifs alimentaires à la pectine pour évacuer les radionucléides de l'organisme est évidente. Celles-ci ont montré que lorsqu'il existe une incorporation permanente de radionucléides à partir d'aliments contaminés, il est possible d'en réduire la concentration dans l'organisme, en prenant de manière intermittente avec les repas, des additifs alimentaires adsorbants, tels la pectine.
L'Institut “Belrad” a étudié en détail l'expérience de l'Ukraine et du Belarus dans l'emploi d'additifs alimentaires à base de pectine. Après avoir effectué des essais cliniques, le Ministère de la santé d'Ukraine a recommandé d'administrer les comprimés à base de pectine, “Iablopect”, à la population qui vit ou qui travaille dans les territoires contaminés par les radionucléides, ainsi que dans les stations thermales et sanatoriums pour le rétablissement des personnes victimes des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl.
Il recommande aux adultes de prendre de 2 à 4 comprimés et aux enfants de 1 à 2 comprimés par jour, pendant 20 à 30 jours. Le traitement prophylactique doit être répété tous les 3 mois. Au bout d'un mois de prise de “Iablopect”, le césium-137 est éliminé de l'organisme des enfants à raison de 30 à 40%, et le plomb de 35 à 70%.
En 1997, N.A. Gres a effectué, dans la clinique “Aksakovchtchina” du Ministère de la Santé, des essais cliniques sur l'action des produits à base de pectine (vitapectine, pectine) en étudiant la dynamique des oligo-éléments dans le sang des enfants. Elle a pu montrer que le plomb a diminué de 53,5% et le mercure de 24% dans l'organisme; le contrôle parallèle du fer, du cuivre, du zinc et du potassium dans le sang a montré que ces oligo-éléments vitaux indispensables à l'organisme ne sont pas éliminés et que leur taux dans le sang reste constant.
L'Institut “Belrad” a procédé dès 1996 à l'évaluation de l'efficacité de divers adsorbants pour l'évacuation des radionucléides de l'organisme des enfants. Finalement un nouvel adsorbant, le Vitapect, a été créé.
En août 2000 dans le cadre d'un programme approuvé par le président du Comité Tchernobyl V.G.Tsalko, on procéda au contrôle de l'efficacité de l'élimination des radionucléides de l'organisme par les produits à base de pectine (“Iablopect” – 30 personnes, “Vitapect” – 27 personnes) et par d'autres adsorbants (“Spiruline” – 18 personnes), ainsi que par un ensemble de vitamines (“Vitus-iode” – 22 personnes) chez les enfants et leurs parents habitant dans les territoires contaminés qui se trouvaient en cure au sanatorium “Belarus”. Un groupe témoin de 36 personne ne recevait aucun adsorbant. Les mesures effectuées au début et à la fin de l'expérience ont montré qu'après 20 jours de traitement, le taux de césium-137 avait baissé de 24,9% pour le groupe traité par le produit “Vitus-iode”, de 26,8% pour celui traité par la “Spiruline” et de 46,9% pour ceux qui avaient reçu des additifs à base de pectine. Dans le groupe témoin le taux de radionucléides n'avait baissé que de 16,8%.
En juin 2001 à la proposition du professeur Michel Fernex (France) on procéda au sanatorium “Serebrianye Klioutchi”, à un test de l'efficacité du produit “Vitapect” comparé à un “Placebo” par une méthode doublement aveugle conforme aux standards européens. Les expérimentateurs comme les enfants ne savaient pas quel était le produit que recevait chacun des sujets. Le test était supervisé par un Comité d'éthique indépendant. Il y avait deux groupes de 32 enfants chacun (17 garçons et 15 filles nés en 1990-1994). Les enfants du groupe A recevaient l'additif alimentaire à base de pectine “Vitapect”, ceux du groupe B, le Placebo. La charge radioactive de césium-137 de chaque enfant était mesurée sur SRH avant et après le traitement.
Les résultats des mesures au moyen du SRH ont montré: une diminution de 65,5% de la concentration du césium-137 chez les enfants traités par l'additif alimentaire à base de pectine “Vitapect” contre 13,9% chez les enfants ayant reçu le Placebo. Les résultats des mesures sont statistiquement fiables (p < 0,01).|| Vu les résultats obtenus, le Comité d'éthique et l'Institut de radioprotection “Belrad” affirment que les mesures effectuées au moyen du SRH de la charge radioactive de césium-137 contenu dans l'organisme des enfants et le traitement prophylactique par additifs alimentaires à base de pectine sont des mesures de radioprotection efficaces et importantes.
Le couplage de la prophylaxie à base de pectine et d'une convalescence des enfants à l'étranger a montré d'excellents résultats.
Les enfants du district de Rogatchev de la région de Gomel, de Minsk, de Molodiotchno et de Jodino ont pu en 1999 faire un séjour de rétablissement en Autriche grâce à la fondation caritative “Tirol hilft des Kindern von Tschernobyl”. Les enfants ont été examinés au moyen du SRH le jour de leur départ et le jour de leur retour. Pendant tout le temps de leur séjour en Autriche les enfants recevaient l'additif à base de pectine Iablopeck. L'analyse des résultats des deux examens de 165 enfants a montré que leur charge en césium 137 avait diminué en moyenne de 50,4%.
En 1999, pendant leurs vacances en Italie avec prise d'adsorbants, 650 enfants ont vu leur taux de césium-137 diminuer de 52 à 54% dans leur organisme.
En 2000, un projet a été réalisé avec la fondation anglaise “La ligne de vie pour les Enfants de Tchernobyl” : la concentration du césium-137 a été mesurée chez 1215 enfants à l'aéroport Minsk-2, avant leur départ pour l'Angleterre. L'additif “Vitapect” leur a été distribué (production de l'Institut “Belrad”). A leur retour d'Angleterre, le contrôle au moyen du SRH à l'aéroport, a montré que le taux du césium-137 a diminué de 65 à 95% dans l'organisme de ces enfants.
Un projet identique a été réalisé avec 1100 enfants, partis en convalescence en Irlande et qui ont pris là-bas de l'additif à base de pectine. Le contrôle des enfants au moyen du SRH, avant et après leur retour, a montré une baisse de 50% du taux du césium-137 dans leur organisme.
Comme les enfants vivant dans les territoires contaminés présentent des niveaux importants de contamination par les radionucléides incorporés de césium 137, il est évident qu'ils doivent être suivis par des examens réguliers au moyen du SRH et recevoir régulièrement des produits à la pectine. Cela permettrait de diminuer de 2 à 3 fois la concentration de césium 137 dans leur organisme, de baisser la dose d'irradiation collective, donc de diminuer les risques de détérioration de la santé de ces enfants.
En plus du séjour à l'étranger ou dans les régions non contaminées du Belarus avec prise d'additifs alimentaires à la pectine, il faudrait que les enfants qui ingèrent en permanence des aliments contaminés prennent régulièrement des produits à la pectine chez eux.
L'Institut “Belrad” souhaite pouvoir augmenter le nombre de ses laboratoires mobiles avec SRH et accroître la production du complément alimentaire “Vitapect”.
Le ministère de la Santé du Belarus tente de monopoliser le contrôle de la concentration de radionucléides dans les aliments et l'organisme des habitants et cherche par tous les moyens à faire obstacle à l'activité développée par l'Institut indépendant “Belrad”. Il a, en particulier, exigé une licence médicale pour avoir le droit de procéder aux mesures au moyen du SRH.
Grâce au soutien inestimable du ministère aux Situations d'urgence et d'un groupe d'experts (le prof. Fernex de Suisse, le prof. Bourlakov d'Ukraine, le prof. Kolomiets du Belarus) qui a conclu que les mesures sur SRH ne relevaient en aucune façon d'une activité médicale et n'avaient pas à recevoir de licence du ministère de la Santé, ce problème a été résolu.
En outre, les membres de l'équipe du projet international ETHOS ont obtenu du Comité Tchernobyl que 5 centres locaux de contrôle radiologique du district de Stoline passent de la tutelle de l'Institut indépendant “Belrad” sous celle de la succursale de Brest de l'Institut d'Etat de radiologie. Cette mesure a interrompu le suivi radiologique et la distribution de pectine que l'Institut “Belrad” réalisait depuis 10 ans pour protéger les habitants de ces villages.
Certaines personnalités s'appliquent également à créer des obstacles à nos activités. Ainsi le professeur Lengfelder (Münich, Allemagne) s'oppose à l'utilisation de produits à la pectine sans étayer ses affirmations par aucun argument. Il recommande d'expliquer aux parents qu'il est dangereux de consommer des aliments contaminés pour que ces derniers cessent de donner des aliments “sales” à leurs enfants, il n'y aurait alors aucun besoin de leur donner de la pectine. Cependant la situation économique du Belarus oblige les habitants des campagnes à se nourrir avec les productions locales et les produits de la nature contaminés par le césium 137.
Il est évident que la pectine n'est pas une panacée mais c'est cependant une mesure à la fois efficace et bon marché pour baisser les doses des enfants du Belarus.
Les niveaux d'admissibilité de la contamination par radionucléides des aliments de bases établis en 1999 sont incapables d'assurer la conformité à la Loi de la République du Belarus “De la protection sociale des citoyens victimes de la catastrophe de Tchernobyl”, selon laquelle la dose ne doit pas dépasser 1 mSv/an. Le régime d'alimentation réel des gens montre que ces niveaux peuvent conduire à une dose d'irradiation annuelle de 1,2 à 1,3 mSv/an.
L'introduction de niveaux d'admissibilité sévères pour la concentration en césium-137 et en strontium-90 dans les principaux produits alimentaires sources de contamination, constitue l'une des mesures les plus efficaces de radioprotection de la population. Il est donc urgent que des niveaux plus bas soient établis pour les aliments destinés aux enfants; ils ne doivent pas dépasser 37-50 Bq/kg comme c'est le cas en Ukraine et en Russie (actuellement les normes sont les mêmes pour les adultes et les enfants: 100 Bq/l pour le lait, 500 Bq/kg pour la viande).
Dès aujourd'hui il est urgent:
Soulignons une fois de plus que si les habitants sont bien informés de la quantité de radionucléides qu'ils ont incorporés, s'ils ont été formés aux moyens simples de radioprotection, s'ils prennent 3 à 4 fois par an pendant 21 jours des additifs alimentaires à base de pectine et passent un mois une ou deux fois par an dans des régions non contaminées, leur dose annuelle peut se voir divisée par le facteur 2 ou 3.
Toutes ces dernières années l'Institut “Belrad” tente de réaliser dans un cadre international plusieurs projets pour la défense radiologique des populations biélorusses vivant en territoire contaminé:
Nous estimons qu'il serait bon de réaliser cette conception de la radioprotection des populations des territoires contaminés du Belarus dans le cadre du concept de la protection sociale de la Maison de la Charité de Minsk, un des cofondateurs de l'Institut de radioprotection “Belrad”.
Pour équiper les locaux cédés à l'Institut “Belrad” par la Maison de la Charité et réaliser les projets susmentionnés, nous comptons sur le soutien technique et financier des structures gouvernementales des pays de l'UE comme sur les associations non gouvernementales, caritatives et autres. L'Institut a besoin pour la réalisation de ces projets:
La réalisation de plusieurs projets en collaboration avec les fondations et initiatives “Tchernobyl” d'Irlande, d'Allemagne, d'Autriche, des Etats-Unis, de Norvège, de Suisse, d'Italie, de Belgique et de France ont prouvé l'efficacité de ces mesures qui peuvent dans l'avenir donner les résultats escomptés: réellement minimiser et prévenir les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl.