(Goncharove R.I.) Institut de Génétique et de Cytologie, Académie Nationale des Sciences
Akademichnaya St., 27, Minsk, 220072, RÉPUBLIQUE DU BÉLARUS
R.Goncharova@igc.bas-net.by
Rosa Goncharova
La prévision des conséquences à venir de l’accident de Tchernobyl a été réduite à l’estimation des effets des faibles doses et des taux de radiation chronique, combinée (externe et interne), et à faibles doses, sur l’être humain et l’animal.
L’accident de Tchernobyl a causé la contamination radioactive de nombreux pays de l’Hémisphère Nord [1]. Cependant, entre tous, la République du Bélarus a été le pays le plus affecté. Selon l’Atlas de la répartition du Caesium en Europe après l’accident de Tchernobyl, c’est pratiquement la totalité du territoire du Bélarus qui a été contaminée par différents radionucléides, à un seuil supérieur au niveau des retombées généralement enregistré [1]. Pour distinguer les régions soi-disant “propres” des régions contaminées, qui représentent 23% du territoire national, la valeur de la densité de répartition au sol a été fixée à 37 kBq/m2. Ainsi, toute la population du Bélarus (10 millions d’habitants), de même que la flore et la faune, ont été exposées depuis 1986 aux rayonnements ionisants dus à la catastrophe de Tchernobyl. La claire compréhension de ce fait est d’une importance capitale à l’interprétation des effets enregistrés.
Après l’accident de Tchernobyl, le problème de l’efficience biologique des faibles doses et des taux de faibles doses devient le problème radiobiologique central, du fait de son importance pour l’évaluation du risque résultant de l’exposition aux faibles doses de radiation. Avant le désastre, la réalité des effets génétiques des très faibles doses de rayonnements ionisants demeurait incertaine. Mais il y a maintenant des données convaincantes qui ont été obtenues par nous-mêmes et d’autres chercheurs.
Depuis 1986, nous avons étudié les effets biologiques de l’irradiation chronique à faibles doses sur des populations de petits mammifères : le campagnol roussâtre dans son milieu naturel et la souris de laboratoires exposés à l’irradiation chronique des sites contaminés par la radioactivité [2]. Nous établissons les effets génétiques de l’irradiation chronique aux faibles doses dans les cellules somatiques et les gamètes du campagnol roussâtre et de la souris blanche selon une échelle qui varie du niveau zéro jusqu’à 10 cGy [2-5]. L’analyse de nos données et de celles de la littérature montre que les estimations des doses qui doublent pour une irradiation aigüe des cellules somatiques chez le campagnol roussâtre, des lymphocytes chez l’être humain, et des gamètes chez la souris blanche - sont très proches les unes des autres [4]. C’est ce qui justifie le choix du campagnol roussâtre comme modèle d’espèce pour l’évaluation du risque génétique de la radioactivité. (tableau 1)
Le récent rapport général sur la mortalité dans la cohorte des survivants de la bombe atomique, qui ont été suivis par la Radiation Research Foundation, met clairement en évidence qu’il existe une part de risque direct et statistiquement significatif dans une frange située approximativement entre 0 et 0,10 Sv [6]. Pierce et Preston ont utilisé les données du Life Span Study (LSP) sur l’incidence des cancers solides pendant la période 1958-1994 pour établir les risques dus aux faibles doses [6].
En outre, de récentes études cellulaires et moléculaires ont amélioré notre connaissance des effets des radiations à faibles doses, concernant tout d’abord l’instabilité génomique induite et les effets voisins.
Nous avons analysé le développement à long terme de la mutagenèse dans les populations de campagnols roussâtres sur plus de 22 générations animales, entre 1986 et 1996, chroniquement exposées aux rayonnements ionisants à faibles doses [2]. Les fréquences des différents points finaux (aberrations chromosomiques dans la moëlle osseuse et mortalité embryonnaire), aussi bien que le taux de dose absorbée par le corps entier et les doses absorbées par exposition externe ou interne ont été établies auprès de ces populations animales en milieu aquatique au Bélarus, en quatre sites présentant à la suite de l’accident de Tchernobyl des répartitions différentes de radionucléides au sol (8-1526 kBq/m2). Il a d’abord été révélé que le développement à long terme de la mutagenèse sur 22 générations était caractérisé principalement par une augmentation constante des taux d’aberrations chromosomiques et de létalité embryonnaire, tandis que les taux de doses absorbées par le corps entier décroissaient exponentiellement depuis 1986 [7].
Ces résultats montrent que l’exposition chronique aux faibles doses et à long terme, des mammifères sur plusieurs générations, aboutit à une accumulation transgénérationnelle de l’instabilité génomique, avec des effets cellulaires et systémiques manifestes sur la cellule et le système [8]. Cette conséquence transgénérationnelle à long terme de l’exposition chronique aux faibles doses est nocive dans la mesure où les génomes des animaux des générations récentes sont plus sensibles à l’impact des doses de radiation très faibles, en comparaison avec les génomes d’animaux des premières générations. Il y a aussi de solides preuves de l’instabilité génomique induite par la radioactivité sur les progénitures F1 et F2 dans les populations humaines, consécutivement à l’exposition du père ou des deux parents avant la conception.
Il y a actuellement une grande controverse sur les conséquences du désastre de Tchernobyl sur la santé à long terme, exceptée l’incidence du cancer de la thyroïde en très forte augmentation dans les trois pays contaminés. En ce qui concerne les effets tardifs induits par les rayonnements ionisants, tels que l’incidence du cancer, les effets sur l’hérédité et le développement, il est nécessaire de tenir compte des circonstances suivantes:
Toutes ces données mises ensemble nous autorisent à conclure que des conséquences à venir du désastre de Tchernobyl ont été observées non seulement auprès des populations affectées, mais qu’elles seront également enregistrées dans les générations futures.
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Tableau 1 Dépôts au sol des radionucléides aux alentours des sites