En juin 2008, j'ai passé une semaine à l'École Nationale S/Users/mnm/Desktop/a-propos-Ethos-fr.rtfdupérieure des Officiers Sapeurs-Pompiers près d’Aix-en-Provence, pour une conférence avec la projection des films “Le sacrifice” et “Controverses nucléaires”. Le thème que je devais traiter s’intitulait “Le risque radiologique et le nucléaire - de la prévention à la gestion des crises”.
J'ai été impressionné par l'approche scientifique et la stratégie avec laquelle les sapeurs-pompiers français affrontent les feux de forêt, en visant le phénomène au stade des “feux naissants” : par un système de vigilance permanente d'hélicoptères et un maillage serré de tours de guet pour la détection des premières fumées dans les territoires forestiers.
Pourquoi donc cette digression sur les sapeurs-pompiers ? Pour montrer la différence avec ce qui n’est pas mis en place concernant les risques du nucléaire. Car au niveau concret des sapeurs-pompiers français rien de semblable aux connaissances et aux moyens mis à leur disposition par l’État pour les feux de forêt n’existe face au danger d’un accident majeur prévisible, représenté par les 58 vieux réacteurs en service sur le sol français.
En communiquant pendant quelques jours avec les participants du master, professionnels de haut niveau de formation, j’ai constaté que ces intervenants français de première ligne en cas de catastrophe du type de Tchernobyl ne savaient rien des enseignements élémentaires que cette expérience unique pouvait leur apporter.
Je leur ai parlé d’un crime dans les territoires contaminés du Bélarus, de populations utilisées comme cobayes et d’experts français (CEPN, Ethos, Mutadis-Consultants), qui viennent « occuper le terrain » dans ce pays pauvre, ravagé par une catastrophe sanitaire croissante. Et qui recueillent des données en évinçant les chercheurs locaux au lieu de les soutenir. Et qui refusent systématiquement une prophylaxie qui s’est montrée efficace pour les enfants contaminés.
J’ai parlé de la censure et des obstacles à la recherche scientifique indépendante, mis en place par les états membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies et par les agences spécialisées de l’ONU dans le domaine de l’atome et de la santé.
J’ai informé ces sapeurs-pompiers, - (des « intervenants du premier groupe » équivalents des « liquidateurs » soviétiques) sur « la stratégie de l'ignorance »
1 [https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=277564982820974303#_ftn1] et sur « le crime des agences de l’ONU »
2 [https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=277564982820974303#_ftn2] qui cachent les effets sur la santé des faibles doses incorporées et qui ont exclu de leurs recherches épidémiologiques la cohorte des 800 000 liquidateurs, qui ont sauvé l’Europe en évitant l’explosion atomique de la centrale de Tchernobyl. Vous avez entendu que Monsieur Gonzales, haut fonctionnaire de l’AIEA, a déclaré à la conférence de Kiev, qu’il était impossible en présence de ces faibles niveaux de radioactivité d’avoir la preuve d’une corrélation entre la radioactivité et les maladies ; que c’était « un problème épistémologique insoluble ». Il a dit « nous n’avons aucun moyen de connaissance directe à ce niveau. Nous ne savons pas. »
Nous savons par contre que le Professeur Youri Bandajevsky, fondateur et recteur de l’Institut de médecine de Gomel, a fini en prison et en exil parce qu’il a pulvérisé cette ignorance par des recherches scientifiques rigoureuses, qu’il a effectuées pendant 9 ans. Il a découvert la corrélation, il a établi la preuve du lien de cause à effet entre les radionucléides du césium137 incorporés à faible dose par l’alimentation contaminée et la destruction des organes vitaux.
Il est évident qu’un chef de l’État ne doit pas être nécessairement médecin ou physicien. Comme tout responsable politique, il est conseillé et informé sur le nucléaire par des experts, qui dans le cas de la France sont une émanation du lobby nucléaire et n’ont de ce fait aucune crédibilité scientifique.
Le CEPN (Centre d’étude sur l’Évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire)4 est une ONG loi 1901 de quatre membres seulement, mais de poids : EDF, la COGEMA (désormais AREVA), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). ETHOS est une émanation du CEPN (Centre d'étude sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire), créé en 1976 par l’Électricité de France, gestionnaire du parc nucléaire français) et par le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) auquel s’est jointe ensuite AREVA. Le lobby nucléaire français est activement représenté ! […]
La mission d’ETHOS, programmée par le lobby nucléaire français, avait une limite statutaire infranchissable. Elle excluait le versant sanitaire : ETHOS n’avait pas compétence pour la santé des habitants.
Ainsi, soutenu politiquement et financièrement par le Lobby et les États nucléaires, ETHOS, qui s’occupait en apparence d’aide humanitaire aux populations contaminées constituait en fait un barrage à la reconnaissance de la catastrophe sanitaire, que les scientifiques indépendants comme Nesterenko et Bandajevsky révélaient à travers mille obstacles. Le danger pour la santé était minimisé et la pureté biologique des enfants-cobayes contaminés, observables, restait inaltérée, puisque leur charge corporelle interne en radionucléides n’était pas modifiée par un adsorbant, que ETHOS-CORE refusait de financer.
Ainsi, le lobby nucléaire français, par le truchement d’une ONG sans but lucratif, disqualifiée dans le domaine de la santé de par ses statuts liés à ses intérêts commerciaux, informe l’ASN sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl et sur la radioprotection.
Le résultat de cette boucle bouclée, est bien illustré par la publication internationale de l’ouvrage SAGE (sigle anglais de “Stratégies pour le développement d’une culture de protection radiologique pratique en Europe, en cas de contamination radioactive à long terme suite à un accident nucléaire”), coordonné par le tandem CEPN-Mutadis-Consultants (toujours les mêmes), qui constitue l’aboutissement d’un travail pluridisciplinaire international, auquel a participé l’académicien Vassili Nesterenko, physicien de niveau international, liquidateur de Tchernobyl dès les premières heures, spécialiste en radioprotection et meilleur connaisseur de la contamination des territoires du Bélarus.
Comme les 4 autres rédacteurs étrangers de SAGE Nesterenko a fourni sa contribution écrite à l’ouvrage.
Il avait l'assurance de la part du CEPN que son texte sur les mesures de radioprotection (mesures anthropogammamétriques, cures de pectine, information des enfants, des parents et des enseignants) serait repris tel quel dans le projet SAGE, pour lequel il n’a pas reçu d’honoraire mais 25.000 euros pour couvrir les frais de ses déplacements aux réunions à Paris, accompagné de son fils écologue collaborateur au projet. En dehors du tableau des « niveaux d’admissibilité » de la contamination des produits alimentaires, que le CEPN pouvait facilement obtenir du ministère de la Santé biélorusse avec lequel il travaillait la main dans la main, rien du texte de Nesterenko n’a été inséré dans la publication.
Je cite les recommandations censurées par Jacques Lochard, que Nesterenko avait placées en conclusion de sa contribution :
Autour des centrales atomiques il faut créer (dans un rayon de 100 km) des systèmes automatiques de contrôle de la situation radiologique et d’information immédiate des populations sur le déclenchement du danger radiologique et sur les recommandations au sujet des mesures de radioprotection :
1 - des systèmes gouvernementaux de contrôle radiologique des produits alimentaires et des centres non gouvernementaux de contrôle radiologique des produits alimentaires;
2 - un réseau de laboratoires radiologiques mobiles et fixes avec spectromètres de radiogammamétrie pour l’examen d’une sélection significative des différents groupes sociaux de population afin de déterminer les niveaux d’accumulation du césium-137 dans l’organisme des habitants (en particulier des enfants);
3 - des réserves de production d’additifs alimentaires pour l’élimination des radionucléides de l’organisme des personnes contaminées;
4 - il faut élaborer d’avance un système dynamique des niveaux d’admissibilité de la contamination des produits alimentaires de production agricole, comme celui, par exemple, qui existait en Autriche en 1986-88.
Ces recommandations élémentaires répondent aux proportions réelles d’un accident nucléaire majeur expérimenté à Tchernobyl.
Mais le texte de Nesterenko dit que, même et seulement en vue d’une stratégie de gestion post- accidentelle à long terme, il faut être prêt d’avance, il faut agir avant la catastrophe en mettant en place un réseau d’intervention sur ses conséquences, proportionné en volume aux millions d’habitants qui auront besoin de l’aide d’intervenants instruits et entraînés. C’est ce que la France a su faire avec la stratégie des « feux naissants ». À ma connaissance, rien de tel n’existe aux dimensions réelles d’une catastrophe nucléaire.
Au cours de notre première interview en mai 98, Vassili Nesterenko nous a dit : « Il semble que les pays disposant de centrales nucléaires n’ont tiré aucun enseignement de l’accident de Tchernobyl.
J’ai été en Angleterre, en France, en Allemagne, aux États Unis… J’ai visité leurs centrales, ils disent tous que chez eux tout va bien et que nos problèmes tiennent aux défauts de nos centrales. Toutes les mesures de protection de la population ne concernent chez eux qu’un rayon de 20-30 kilomètres autour des centrales. »(6)
Certains de mes auditeurs sapeur-pompiers étaient visiblement choqués par ce qu’ils ont vu et entendu.
Je sais avoir dans ce domaine une passion de “prédicateur solitaire” que je n'aime pas en moi. La sérénité philosophique de Paul Valéry est admirable. Il a écrit : “Je trouve indigne de vouloir que les autres soient de mon avis. Le prosélytisme m'étonne.”
Mais comment faire face au mensonge, qui est un fait et non une opinion, et qui produit des conséquences si graves en ce moment même? Le cri de Bandajevsky : “Nos enfants meurent!”, dans le film “Controverses nucléaires”…
Wladimir Tchertkoff